Habillé à l’européenne, mais avec des tissus qui évoquent le bogolan, l’étoffe de prédilection des chasseurs ouest-africains, et coiffé d’un chapeau aux larges bords, le Bissau-Guinéen Ramiro Naka ne passe pas inaperçu. Son domaine d’expression principale demeure la musique, mais l’homme aime tous les arts. Comédien, il fut le protagoniste du célèbre film de sa compatriote Flora Gomes, Po di Sangui (L’Arbre aux âmes, en français), qui fit la surprise du Festival de Cannes en 1996, dont il a composé aussi la bande-son. Personnalité extrovertie, il manie aussi les pinceaux, et ses dessins au style naïf, tout comme ses chansons, sont empreints d’un lyrisme naturaliste. L’artiste sait également se faire conteur, auteur illustrateur de la bande dessinée pour enfants Kali et la calebasse.
Bref, Ramiro Naka est sans conteste l’ambassadeur de la culture d’un pays ravagé par des putschs militaires à répétition et par l’emprise des narcotrafiquants sur les élites politiques et l’armée.
La musique, il la pratique en professionnel depuis l’âge 17 ans lorsque, après avoir abandonné les études au plus grand désespoir de son père, Gomez Diaz, il intègre le Cobiana Djaz. Cette formation est la première du pays à utiliser une forme locale de créole aux influences portugaises, le crioulo, proche de celui du Cap-Vert, de la Casamance et… de l’île de Curaçao.
Après une courte parenthèse au Portugal – il y fonde le groupe Sama Minyendo –, Naka poursuit sa carrière en France, où il débarque en 1980. Il s’installe ensuite à Montreuil, en banlieue parisienne. Trente ans après nos premières rencontres à l’occasion de ses concerts ou de la parution de ses albums (Salvador, Renascimento du Gumbe, Le Meilleur de Naka, Gumbe blues kreol, parmi d’autres), nous retrouvons ce musicien au hasard d’une soirée, au restaurant afro-caribéen Kamukera, dans le 13e arrondissement de Paris.
L’homme est aujourd’hui plus « réservé », davantage impliqué dans l’effervescence de son jeu de guitare et l’exubérance d’un chant aux couleurs métisses, mais nous avons reconnu sans problème la silhouette d’athlète de l’ancien sprinter lisboète, son regard fier et l’éternel cauri qui pend sur son front.
Quelques jours après, au siège d’Afrique Asie, Ramiro s’assoit en entonnant une mélodie… C’est du fado, genre national portugais, histoire d’évoquer les racines plurielles de son gumbe natal, le style de la Guinée-Bissau dont il est le porte-drapeau à l’étranger. Ramiro prépare son départ pour Bissau, où son association Nakasadarte, lancée en 2005, promeut le festival Gumbemusyka. La manifestation en est à sa 4e édition et est programmée, cette année, le 24 novembre.
« À l’affiche, il y aura la crème des artistes locaux, comme Atanacio, Justin Delgado ou Rui Sangara, plus d’autres venant du Cap-Vert et d’Angola notamment, nous confie Ramiro. Nous voulons promouvoir la culture nationale, car l’art est la défense de la tradition. Mais notre action a aussi des motivations sociales. Nous nous battons pour que la treizième mensualité soit accordée aux musiciens ; c’est une manière de lutter contre l’immigration clandestine. Nous faisons tout cela avec les moyens du bord. Personne ne nous aide. L’instabilité règne dans notre pays et nous n’avons pas essayé d’impliquer les hommes politiques. » Personne ne s’en plaindra. Avec sa belle affiche artistique doublée d’une conscience sociale, Gumbemusyka a trouvé son public sans compromissions.