Petite histoire d’une fake news dont le Canard a été victime.
Puisque les « investigateurs » deviennent des inventeurs de vérités, allons-y, chacun peut y aller de son scoop. Hier c’est Hassoux qui s’y colle dans le Canard Enchainé. Il nous révèle que Benalla est allé à Londres et qu’au cours de son voyage il a discuté avec un « fiché S »… Nom d’un Allah, en voilà une formidable nouvelle. Mais elle ne suffit pas à être grande si on ne lui rajoute pas un étage : « le fiché S est un proche du sulfureux Djouhri ». Ben voilà, fallait le dire tout de suite, et nous dire aussi que Landru est excusé : étant mort il ne peut être glissé dans le complot.
Comment en arrivons-nous à des conneries semblables ? C’est simple. En ce moment il y a deux gibiers à courir, Djouhri sous forme de marathon puisque la traque dure depuis des années, et le petit nouveau dans l’arène, Benalla. Notez un premier indice solide et concordant, l’un et l’autre ont Alexandre pour prénom. Ça mérite une mise en examen de presse.
Derrière Djouhri (un homme que j’ai croisé il y a dix ans et pas revu depuis, auquel je ne dois rien et qui ne me doit rien), galope une cohorte où l’on trouve un quidam qui tient boutique de franc maçon, deux fascistes français, un publiciste méchant dans ses délires de plumes et quelques amis de Manuel Valls. Ils en veulent au « caïd du 9-3 », comme l’écrivent les journalistes pas racistes, car le berbère a pris une place qui n’est, pour eux, pas la sienne auprès du patronat. Souvent l’Alexandre les a barrés dans leurs espoirs, « juteux » comme l’écrivent les « investigateurs » (avec leurs pieds).
Donc, la meute alimente la presse en fakes scénarios et aide aussi les juges dans leur volonté d’hallali. Tant pis pour le Code pénal martyrisé. Et voilà que Le Canard Enchainé nous sort la calembredaine attendue : Benalla et Djouhri c’est noir bonnet et bonnet noir. Tout cela sans un coup de fil aux mis en cause ni à leurs avocats.
C’est la nouvelle presse des « investigateurs ». En fait, pour trouver un boulot le chômeur Benalla a été à Londres pour rencontrer un homme d’affaires que connait son ami Lucas. Et Lucas a accompagné son pote. Un Lucas qui n’a rien d’un fiché S mais plutôt d’un fichez moi la paix. Ah si, il se trouve que son voisin a été entendu par les flics pour une histoire d’armes avec Le Niger, et que la mère de Lucas connait ce voisin. Ça c’est du lourd de la DGSI de luxe qui nous protège de millions d’attentats.
Et Djouhri dans tout ça ? Ben rien. Il est là comme la cerise sur le gâteau, la faveur autour de la boîte. Il ne connait pas Lucas et ne l’a pas croisé dans le Métro de Londres (ce qui aurait été grave).
Tout ça pour dire que nous vivons une époque où le journalisme policier prend le pas sur le journalisme, le reporter prenant la place et du flic et du juge. En ce qui me concerne je trouve ça pas bien.
Source : BLOG : LE BLOG DE JACQUES-MARIE BOURGET