Plusieurs choses hallucinantes entendues ce samedi matin dernier sur Europe-1, dans une émission animée par Olivier Duhamel. Etaient invités Robert Namias et Michèle Cotta : d’entrée de jeu on se félicite mutuellement, on se congratule pour bien souligner l’entre-soi et une connivence élogieuse sur à peu près tous les sujets – sans contradiction aucune -, notamment pour faire l’éloge du grand-débat co-animé, la veille au soir, par la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa et le présentateur Cyril Hanouna.
Ce dernier incarne tout de même ce qui se fait de plus vulgaire et de plus débile depuis la création de la télévision, mais le message à transmettre aux auditeurs est très clair et sans appel : les Gilets jaunes – ceux qui roulent au diesel et qui fument des clopes – sont bien le public de Cyril Hanouna et il est normal qu’on choisisse ce bouffon pour être en cohérence avec la France du bas ! Malgré tout, les trois lurons d’Europe-1 ne cessent d’en rajouter : « l’émission était passionnante… » Mais le plus délirant de ce moment de radio pompeusement baptisée « Médiapolis » a concerné le Traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle, signé mardi dernier. Littéralement possédé par ses certitudes et persuadé d’avoir découvert ce que personne n’a vu, l’animateur fait la leçon à l’ensemble de la classe politique française : tous ceux qui laissent entendre que le Traité d’Aix-la-Chapelle pourrait préparer l’opinion à accepter un partage du siège permanent de la France au conseil de sécurité des Nations unies avec l’Allemagne, voire sa transformation à venir en « siège européen », sont pris en flagrant délit de… « Fake News » ! Parce que de telles intentions ne sont pas inscrites – noir sur blanc – dans le texte du Traité lui-même ! On n’en croit pas ses oreilles ! Exemple caractéristique de l’idéologie dominante du moment : mélange caractérisé et intentionnel des faits, des opinions et des analyses. Aujourd’hui, émettre un quelconque avis critique et toute espèce d’analyse qui s’écarterait de la doxa politiquement correcte est automatiquement taxé de « Fake News »… En effet, et c’est devenu notre réalité d’aujourd’hui : penser autrement que les puissants qui nous gouvernent, émettre des avis, opinions et analyses critiques à l’égard des discours officiels, plus simplement recourir à son libre-arbitre pour tenter quelque raison critique que ce soit est devenu parfaitement impossible ! La contradiction, la négation et la critique sont, désormais immédiatement qualifiées de Fake News, renvoyant à des postures foncièrement « complotistes ».
Arrêtez de nous bassiner avec les « Fake News » !!! Les « fausses nouvelles » ne datent pas de la fin de la Guerre froide, ni du triomphe de la révolution numérique. Comme s’il avait fallu attendre ce dernier avatar de l’intelligentsia américaine pour découvrir avec stupeur que la vérité ne s’impose pas d’elle-même ? Pire… qu’elle peut être falsifiée par des erreurs trompeuses ! On ne saurait que trop conseiller à Monsieur Duhamel de lire ou relire Le Sophiste de Platon ou quelques autres grands classiques de l’histoire de la raison occidentale qui traite du sujet de l’erreur et de la vérité depuis les présocratiques. En guise de Médiapolis, ne serions-nous pas en train de sombrer dans une navrante Médiocratopolis sans fond ?