Le jeu trouble des Frères musulmans.
Février 2011, Hosni Moubarak démissionne dans des conditions et une conjoncture que l’on connaît. Une année s’est écoulée. Elle a vu la déferlante des Frères musulmans sur le parlement (près de la moitié des sièges) sous le regard impassible d’un gouvernement nommé par le pouvoir militaire. Se prévalant chacun d’une force, gouvernement et « Parlement » s’adonnent à un bras de fer dont l’enjeu est, bien évidemment, le contrôle des rouages économiques et politiques du pays dans cette dernière ligne droite vers la première élection présidentielle de l’après Moubarak prévue fin, mai. Des deux qui va, le premier, baisser la garde ? L’entrée en scène du FMI a exacerbé encore plus cette rivalité. La demande formulée par le gouvernement auprès de cette institution financière internationale pour obtenir une ligne de crédit de 3,2 milliards de dinars (en plus aide de 1 milliard de dollars auprès de la Banque mondiale et de 500 millions de dollars auprès de la Banque africaine de développement) a déplacé, en quelque sorte, la ligne de fracture entre le gouvernement et le Parti de la justice et de la liberté (PLJ) confinée auparavant au sein du Parlement pour imprimer une seconde cassure celle là concernant le contrôle de ce pactole non négligeable qui permettra a celui qui détiendra les cordons de la bourse de peser efficacement sur l’issue de la prochaine présidentielle. Les difficultés économiques, la façon de les appréhender et surtout les moyens sonnants et trébuchants seront, certainement, les arguments phare de cette campagne électorale qui s’annonce. Le chômage explose (il dépasse les 13 %) et le tourisme qui représentait une rentrée substantielle d’argent et surtout une occupation providentielle pour les Egyptiens «lambda» est en plein crise. Le mouvement islamique Frères musulmans, une force politique qui a déclaré a plusieurs reprises opter pour un candidat de consensus pour cette présidentielle (donc pas nécessairement issu de ses rangs) est revenu apparemment sur sa décision : Sur la page Facebook de ce parti figure désormais un nom : Khairat al-Chater, numéro deux du parti, candidat à la présidence du pays. Un revirement et une annonce motivés en partie avec l’apparition sur la liste des prétendants à la succession de Moubarek de sérieux rivaux qui ont cette particularité d’appartenir à la même mouvance et donc de chasser sur les mêmes terres que le PLJ : Abdel Moneim Aboul Foutouh et Salim al-Awwa. Une difficulté en plus qui vient s’ajouter à la présence d’autres candidats. A l’approche de cette consultation déterminante la machine s’emballe Al Ahram vient de publier une information qui illustre à elle seule la tension entre les deux forces qui tiennent en tenaille le pays : les Frères musulmans, ont enclenché une procédure pour obtenir en deux semaines le renvoi du gouvernement du Premier ministre Kamal al-Ganzouri. Mais le Conseil suprême des forces armées maître à bord pour l’instant est contre la démission du gouvernement avant la fin de la période de transition prévue fin juin prochain. Pour ne pas se retrouver seul face à « Goliath » le PLJ fait des appels du pied aux petites formations et groupes politiques « minoritaires » pour les fédérer à sa cause et imposer ses choix aux maîtres du moment. Le parti majoritaire se dit prêt à « partager » le pouvoir avec les autres forces politiques, autrement dit, les membres des partis libéraux et les personnalités indépendantes démissionnaires pour l’instant de l’Assemblée constituante. Des tensions qui prennent différentes directions à tel point que même le légendaire Sphinx de Gizeh risque d’avoir le tournis.
M. Koursi (El Moudjahid – 03 avril 2012)