Une centaine de prisonniers se sont échappés à Katiola, un fait-divers qui pose le problème de la sécurité et de la maintenance des lieux de privation de liberté en Afrique.
Une centaine de prisonniers se sont évadés, le 3 septembre, de la prison de Katiola, une localité située 45 km au nord de Bouaké. Ils se seraient hissés sur les toits du bâtiment cellulaire puis « ils ont profité de la sortie des corvéables pour casser le grand portail et prendre la fuite », selon le récit d’un officiel de Katiola. Ce fait-divers est désormais banal en Côte d’Ivoire. Il se passe rarement un mois sans qu’une évasion – solitaire ou multiple – ne soit relatée dans la presse, sans compter toutes celles dont on ne parle pas.
Cela pose au moins deux questions. Tout d’abord, bien sûr, celle de la sécurité. Une société organisée est en droit d’attendre des autorités qu’elles protègent les biens et les personnes. En l’occurrence, les forces de police et de gendarmerie, dûment mobilisées, ne tardent en généralement pas à capturer tout ou partie des fuyards. Mais bien souvent aussi, les évadés ne sont jamais rattrapés.
Ensuite, cela pose le problème de l’institution pénitentiaire elle-même. Si l’on examine avec attention l’évasion de Katiola, l’on est en droit de s’interroger sur la facilité, ou même la simple possibilité qu’ont eu les prisonniers de se rendre sur le toit de leur bâtiment. Ensuite, il faut se demander comment, avec quels outils, en combien de temps ils ont réussi à « casser le grand portail », s’ils s’en sont bien pris physiquement à lui, et pourquoi nul ne les a arrêtés à cet instant-là ? Enfin, s’il est avéré que c’est plutôt la sortie des « corvéables » – il faut comprendre : ceux des prisonniers qui vont exécuter des corvées ou des travaux d’intérêt général à l’extérieur de la prison – qui leur a permis de s’évader, comment se fait-il qu’il y ait eu libre passage, pourquoi n’y a-t-il pas par exemple un sas permettant de filtrer les sorties ?
Les prisons, que cela soit en Côte d’Ivoire ou ailleurs, ne sont presque jamais un sujet de préoccupation pour les pouvoirs publics. Seuls les établissements appelés à abriter un condamné envoyé par un Tribunal pénal international (Rwanda, Sierra Leone ou CPI) répondent à des conditions de sécurité et de sûreté mais également d’hygiène et d’alimentation conformes aux normes internationales. Et à la dignité humaine. Tous les autres lieux de détention sont plus ou moins laissés pour compte, soumis parfois à l’arbitraire des fonctionnaires en charge et trop nombreux sont ceux qui s’apparentent davantage à des bouges immondes qu’à des prisons-modèles.
À propos de cette évasion de grande envergure, il reste à souhaiter que l’enquête en cours ne se borne pas à établir les responsabilités locales, mais qu’elle débouche sur une information plus complète, une sorte d’audit des prisons dont la Côte d’Ivoire, victime semble-t-il d’évasions à répétition, n’aurait qu’à se féliciter.