C’est en principe ce mardi 10 janvier 2012 que devraient être rendus publics les résultats des tests ADN effectués sur des ossements découverts en début d’année en Côte d’ivoire, à Issia, une localité située à environ 400 km de la capitale économique Abidjan, et censés être des restes du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer, disparu en avril 2004, dans des conditions restées floues. Le journaliste, qui enquêtait sur les malversations avérées ou supposées dans la filière café-cacao, vitale pour l’économie de ce pays ouest-africain et principale source de devises de la Côte d’ivoire, avait été vu, pour la dernière fois, le 16 avril à Abidjan, avant de ne plus donner de nouvelles de lui depuis lors, alimentant toutes les thèses dont celle de l’enlèvement et de l’assassinat par des « escadrons de la mort » actionnés par le régime d’alors, celui de laurent Gbagbo.
En dépit de nombreuses investigations du juge français Patrick Ramaël, chargé du dossier, la vérité n’a jamais été sue au sujet de cette mystérieuse disparition. Le juge français en a même rajouté un temps à la confusion, en s’orientant sur des pistes abandonnées les unes après les autres, sans explications. Il avait d’abord fortement suspecté un ami du journaliste qui se trouvait aussi être le beau-frère de la première dame de l’époque, Simone Gbagbo elle-même accusée pendant longtemps d’entretenir des « escadrons de la mort ». patrick ramaêl s’était par la suite orienté vers la piste d’un supposé colonel de l’armée ivoirienne, un certain Tony Oulaï, avant de s’en écarter. D’autres noms ont par le passé circulé, dont celui d’un ancien homme lige de Gbagbo, l’ex-ministre d’Etat Antoine Bohoun Bouabré, originaire de la localité d’issia où a été découvert le 6 janvier, en présence du juge Ramaël, le squelette supposé être celui de Kieffer.
En attendant les résultats des tests ADN effectués en France où ont été acheminés les ossements exhumés à Issia, la polémique rebat son plein en Côte d’ivoire où le sujet reste sensible. Si le squelette exhumé s’avérait être effectivement celui du journaliste franco-canadien, la thèse de l’enlèvement puis de l’assassinat deviendrait alors plus plausible, et des barons de l’ancien régime, notamment ceux du premier cercle suspectés dès le départ, pourraient alors être épinglés par la justice française qui s’est saisie du dossier vu le peu d’empressement de la justice ivoirienne de l’époque à faire la lumière sur cette disparition. Dans un pays encore secoué par les séquelles d’une crise post-électorale meurtrière, et en quête de réconciliation, l’affaire Kieffer dépasse désormais le cadre strictement juridique pour prendre des contours politiques. Pour les partisans de Laurent gbagbo incarcéré à la Haye, le squelette d’Issia n’est rien moins qu’un « grossier montage » destiné à incriminer coûte que coûte leur mentor. Le quotidien du parti de Gbagbo, Notre Voie s’est ainsi fendu d’un reportage d’envoyé spécial sur les lieux de la découverte supposée, selon lequel, le squelette exhumé et présenté comme celui de Kieffer serait en fait celui d’un homme de race noire, qui aurait été enterré là il y a sept ans :
« A Yaokro, tout est étrangement calme, ce dimanche 8 janvier 2012. Dans ce gros campement peuplé par la communauté allochtone baoulé et la forte communauté allogène béninoise, il règne une ambiance qui ne ressemble pas à celle que connait une cité qui vient de vivre un évènement particulier. Les populations, comme d’habitude, se consacrent à leur train-train quotidien. Ceux qui prêtent attention au sujet s’étonnent que la découverte d’un squelette d’un homme dûment inhumé il y a plus de sept ans fasse autant de bruit. « Ici, c’est un non-évènement ! », répond un habitant de Yaokro, à la question de savoir pourquoi tout est si calme alors que le monde entier semble secoué par l’exhumation de ce squelette que l’on attribue à Guy-André Kieffer. « Ici, on n’a jamais inhumé sur notre sol le corps d’un Blanc ». Mais qu’en est-il de ce corps, ou plus précisément de ce squelette découvert ? «Ecoutez, en 2004 un corps sans vie a été découvert au bord de la rivière Gorée. Ce corps a été inhumé juste à côté de ce fleuve par les populations. Ici, tout le monde sait que c’est le corps d’un inconnu ».
Dans le quotidien « Nord-Sud » proche de l’actuel pouvoir, c’est un autre son de cloche : « Les populations (d’issia) auraient grandement contribué à la localisation exacte du lieu où a été enterrée la dépouille du journaliste. De source proche du dossier, elles ont confirmé qu’un Blanc aurait été conduit dans leur localité courant 2004. Avant d’être exécuté, il aurait été particulièrement maltraité par ses ravisseurs » ? Qui croire ? Connaîtra-t-on un jour la vérité sur la disparition du journaliste franco-canadien alors même que la preuve matérielle de son décès, son squelette supposé, fait débat ? Cette énième piste empruntée par le juge français, sera-t-elle la bonne ?