Indigné, l’ancien président ghanéen a critiqué l’attaque américaine contre la Syrie et rappelé que c’est par des mensonges que les États-Unis ont envahi et détruit l’Irak en 2003. Quand la communauté internationale va-t-elle enfin réagir ?, se demande-t-il. C’est la coexistence entre nations et État de droit qui est aujourd’hui menacée. La parole d’un leader africain sur les questions internationales est si rare aujourd’hui que ce témoignage mérite une large place.
Le monde a assisté, il y a quelques jours, à une nouvelle exhibition de la puissance militaire américaine avec le tir de missiles contre la Syrie. Les États-Unis ont justifié leur acte au motif qu’ils étaient convaincus que le régime syrien était responsable d’un bombardement avec des armes chimiques sur un bastion de l’opposition en Syrie.
L’action des États-Unis soulève des sérieuses questions sur les réels motifs de l’attitude de la super puissance mondiale au sujet de la Syrie. En réalité, la modalité de ce comportement ne sert qu’à perpétuer l’immoralité de la politique internationale.
Quand ces lâches scènes de guerre chimique ont été diffusées avec l’habituelle publicité que leur réservent les médias occidentaux, il était déjà presque évident que leur but était d’empoisonner l’atmosphère contre le régime d’Assad.
En dépit de tout le soutien en armement sophistiqué que les rebelles ont reçu, les forces armées d’Assad ont été capables, avec le soutien russe, d’affaiblir et de mettre en déroute beaucoup des bastions du Daech et des rebelles. Le monde a vu l’énorme claque assenée par les forces d’Assad aux rebelles.
La question qui se pose maintenant est de savoir comment une armée qui a pratiquement déconfit la résistance rebelle avec l’assistance russe, qui a la victoire à ses portes, pouvait concevoir la folie consistant à déverser des armes chimiques sur des civils et des enfants innocents. Où est le sens logique de cette accusation si ce n’est de créer une fausse impression dans le but de justifier ce que les États-Unis ont fait avec le soutien des certains pays occidentaux ?
Il n’y a pas longtemps, ces mêmes Occidentaux regardaient ailleurs : les médias ne s’agitaient pas outre mesure lorsque le Yémen était bombardé et sa population réduite à la faim, privée de nourriture et d’eau. Les bateaux qui amenaient de l’aide alimentaire étaient alors empêchés d’atteindre les ports yéménites. On a alors aperçu des enfants aux visages émaciés abandonnés à leur sort, des images qui semblaient sorties de l’holocauste.
Boussole morale
Certains pays occidentaux doivent recouvrer ou restaurer leur boussole morale avant de s’embarquer dans de telles aventures. Depuis le début du conflit, lorsque le régime d’Assad et d’autres nations chiites ont refusé de se subordonner au pouvoir unipolaire de l’Occident et de certaines puissances sunnites, la Russie, sous Poutine, a été un des rares pays qui s’est élevé en défenseur de la liberté internationale. Les efforts de la Russie pour apporter son assistance au gouvernement syrien ont incité l’Occident à lancer des représailles contre son économie, décréter des sanctions et la baisse des prix du pétrole afin de la paralyser.
La décision d’attaquer la Syrie doit être reconnue pour ce qu’elle est. Le monde ne peut pas être naïf au point de ne pas saisir les véritables raisons de la propagande massive employée contre Damas.
L’audace d’assumer un tel comportement frauduleux (et à le poursuivre jusqu’à ce point) n’est possible que comme la conséquence du déclin de la moralité internationale ; elle est une manifestation de la décadence de la qualité du leadership qui s’exerce dans certaines parties du monde.
Il faut qu’un organisme indépendant impliquant des États neutres soit créé pour enquêter sur l’origine de ces armes chimiques. Libre de l’influence exercée par les accusateurs, cette structure doit enquêter avec sérieux et exposer les vrais auteurs de ces crimes. Alors, et seulement alors, le monde saura qui en ont été les véritables auteurs.
L’amitié que Trump avait manifestée à l’égard de Poutine pendant la campagne électorale laissait présager la normalisation des relations entre ces deux pays, une véritable coexistence pacifique. Mais ceux qui, pour diverses raisons, s’opposaient à ce rapprochement étaient prêts à tout entreprendre pour restaurer la position antagonique à la Russie, comme dans la guerre froide. Il semble que les forces négatives qui veulent rallumer un climat conflictuel entre Trump et Poutine aient finalement la voie libre.
À partir du moment où le secrétaire d’État Tillerson avait suffisamment laissé percer les véritables intentions des États-Unis à l’égard de la Corée du Nord et que l’ambassadeur américain à l’Onu mettait en scène le drame au Conseil de Sécurité, il était clair que l’on recherchait un bouc émissaire. Quelle meilleure cible que le Syrien Assad sur le point de se prévaloir militairement et alors que le processus politique, poussé énergiquement avec le soutien de la Russie, était en train d’avancer ?
Les Occidentaux et leurs alliés sunnites ont essayé de renverser le gouvernement syrien, ce qui a précipité cette crise militaire et de réfugiés dans la région. La tentative de la Russie d’éviter qu’un groupe de pays occidentaux ne se constitue en gouverneurs globaux faisant leur loi à leur guise, est une des raisons qui explique pourquoi cet acte de guerre contre la Syrie a été mené.
Cela n’est rien d’autre que la répétition de la fraude perpétrée à l’Onu avant le « choc et la terreur » de 2003. Le monde ne peut pas être si ingénu, désinformé, aveugle, émasculé ! Comment ne pas voir que cette fraude commise à la lumière du jour affaiblira encore davantage l’éthique internationale ? La liberté, la justice et la démocratie sont en jeu. L’assourdissant silence de la plupart des leaders du monde finira par provoquer une dégradation prochaine du déjà triste état de la démocratie.
Le monde doit se réveiller
Ces pays occidentaux sont-ils prêts à soutenir les appels iranien et russe pour lancer une enquête neutre et compétente ? Cet appel aurait dû être lancé aussitôt après la première fois que cette folie est arrivée (en 2013). Je dois insister sur le fait qu’un régime qui est sur le point de dérouter ses ennemis ne fait pas cela. Un groupe rebelle sur le point d’être battu a plus de probabilités de recourir à tous les moyens pour survivre, y compris à cette folie afin de provoquer l’intervention de ses soutiens, aussi idiots que complices.
Le monde doit se réveiller. Les leaders doivent se réveiller. Ce n’est pas seulement le gouvernement d’Assad et Assange qui sont en danger. La liberté, la justice et une démocratie véritable sont mises en danger par l’ambition d’une puissance unipolaire de diriger le monde !
L’utilisation des armes chimiques pour attaquer la Syrie a été l’acte le plus vicieux et lâche depuis sept ans. Les États-Unis et leurs alliés savaient qui était derrière cela. La Russie, Assad et l’Iran le savent également. Nous nous sommes tus sur les véritables responsables et ce silence a été exploité par les États-Unis d’une façon insensée qui insulte notre intelligence.
Puisque les démentis et le rejet des accusations portées sur Assad ont été inaudibles et sans effet, la propagande contre lui a aisément pu être exploitée. Peu importe combien nous haïssons ou n’apprécions pas le président syrien, il est absolument scandaleux et immoral de se servir d’un comportement incivil pour engager une action militaire, qui plus est unilatérale.
Nous vivons à une époque où ce qui compte sont la capacité et l’habilité à lancer des accusations de la façon la plus efficace pour que l’accusé se trouve dans l’impossibilité de se défendre. C’est ce qui arrive à la Syrie. Les États-Unis avaient déjà monté une arnaque pour envahir l’Irak. Cette fois, c’est la Syrie. Ce pays est politiquement dans une situation difficile et a conduit sa guerre avec le soutien de la Russie de manière plutôt conventionnelle. Il a disloqué et déplacé Daech et ses rebelles de façon impressionnante, notamment avec l’implication et l’appui de la force aérienne russe.
Pourquoi le pouvoir syrien ferait-il alors quelque chose d’aussi stupide ? C’est la question que j’aimerais adresser au monde, en particulier à M. Trump et à ses alliés, et bien sûr aux médias occidentaux. Cette fraude effrontée et dangereuse porte atteinte aux tentatives de restaurer l’intégrité et la confiance dans les paroles et les actions des nations. La communauté internationale a vu M. Trump nier et brutaliser la vérité. Un tel comportement rendra le monde (encore) moins sûr. Montrons un peu plus de respect pour la vérité et la justice !
Il est enfin triste que l’entourage de M. Trump ait profité de ses lacunes. Cela est honteux et une sérieuse menace contre les forces du bien de ce monde. La guerre et son prix élevé en vies humaines sont une vision douloureuse pour nous tous. Battez Assad si vous pouvez, mais n’utilisez pas ce mensonge pour justifier l’injustifiable. La fraude deviendra un test pour les leaders du monde d’aujourd’hui et pour la survie de l’État de droit.
Publié dans le quotidien ghanéen Daily Graphic le 11 avril 2017.