Il y a près de 25 ans Farag Fouda, intellectuel laïc, qui rejetait l’islamisation violente de la société égyptienne portée par la Gamaa Islamyia, tombait sous les coups d’un assassin islamiste. Diplômé d’agronomie, Farag Fouda prônait la séparation de la religion et de l’État et la sécularisation de la société. Il aura durement croisé le fer sur le thème de l’État théocratique, remis en selle par Khomeiny en Iran, avec de nombreux intégristes musulmans. Parmi eux Al Ghazali et Al Hodeibi, guides des Frères musulmans qui étaient alors à l’apogée de leur vaine gloire.
Fouda a laissé un testament, qui sonne aussi comme une prémonition dans cette Égypte qui a failli sombrer en 2011-2015, sous la gouvernance islamiste de Morsi. « Révoltez-vous ou crevez ! » C’était son cri du cœur à ses concitoyens tétanisés par la déferlante islamiste. « Ils crieront contre les chansons, mais les gens continueront à chanter ; ils crieront contre le cinéma, mais les gens continueront à voir des films ; ils crieront contre les penseurs, mais les gens continueront à les lire ; ils crieront contre la science, mais les gens continueront à l’étudier. » Il ajoutait aussi, plus prémonitoire que jamais : « Ils rempliront le monde de leurs cris, de l’éclat assourdissant de leurs voix et du bruit de leurs bombes. Mais ils seront victimes de ce qu’ils feront. Ils le paieront au prix fort. »
Fouda avait démissionné du parti Néo-Wafd sur lequel bien de gens fondaient leurs espoirs, parce qu’il refusait tout rapprochement, fût-il tactique, avec la mouvance islamiste. Son assassin, Abou el-Ala Abd-Rabboo, fut gracié par Mohamed Morsi, éphémère président issu des Frères musulmans. En rendant hommage à sa mémoire, les jeunes Égyptiens commémorent l’intellectuel tolérant qu’il fut, qui cherchait à prévenir les Égyptiens et à les mettre en garde contre l’obscurantisme qui les menaçait.