Naguère limité à la pratique religieuse, le champ des fatwas s’est élargi à la politique. Les imams de toutes obédiences ont dressé leurs tréteaux à l’occasion des élections législatives, pour tenter d’imposer leur tutelle à un électorat qui n’aspire qu’au retour à la stabilité et au redressement d’une économie moribonde, sortie exsangue de trois ans de gouvernance chaotique de la « troïka ». Ces injonctions religieuses ont un point commun : le refus par leurs auteurs de la souveraineté populaire au-dessus de laquelle ils placent l’impératif divin qui doit conduire, selon eux, toute société islamique. Elles sont truffées d’appels moralisateurs à la vertu, dont Ennahdha avait déjà usé et abusé lors des élections de 2011 pour l’Assemblée nationale constituante. Dans ce florilège de littérature politico-religieuse d’un âge révolu, soulignons les anathèmes lancés par les uns et les autres contre le « business religieux », dont chaque auteur se sent immunisé au nom d’une « saine pratique de la religion authentique », et dont il attribue tout naturellement les dérives aux imams du camp d’en face.
Ces fatwas de la discorde s’accordent cependant pour considérer que « l’islam est la religion des Tunisiens depuis ses débuts », et que le « terrorisme a progressé sous un voile religieux truffé d’idées religieuses extrémistes cultivées par des marchands de la foi venus de l’étranger ». Les Tunisiens n’ont pas attendu ces imams à la vénalité facile, qui font semblant d’inventer l’eau tiède, pour le savoir.