Plus de 130 000 enfants britanniques à partir de 3 ans ont été enlevés à leur famille et déportés dans différentes zones du Commonwealth entre 1920 et 1970, dans le cadre du Programme d’émigration des enfants. Deux mille d’entre eux sont encore en vie. Une enquête réalisée par Margaret Humphreys, auteure et assistante sociale britannique, a révélé le traitement inhumain infligé à ces enfants – abus physiques et sexuels, conditions d’esclavage, terreur, destruction d’identité et mensonge sur la « mort » de leurs parents. Pour Margaret Humphreys, il s’agit là d’un « catalogue de crimes contre l’humanité ». Une fois à l’étranger, les enfants étaient gardés dans des « écoles-fermes », en réalité des fermes de particuliers, où ils ont subi – « systématiquement », selon un rapport de 1998 du Parlement – des brutalités physiques et des abus sexuels, et où ils ont été utilisés comme des esclaves et privés d’éducation. « Pour les pédophiles, ils représentaient un groupe d’enfants très loin de leur pays d’origine. Personne ne se préoccupait de ce qu’ils vivaient. »
Margaret Humphrey a créé le Child Migrants Trust en 1987. À la suite d’un énorme travail de recherche, elle a permis au cours des 25 dernières années à plus de 1 000 personnes de retrouver leurs familles d’origine en Angleterre, dont on leur avait dit qu’ils étaient morts. Aujourd’hui, grâce à son engagement et après des mois de controverse, l’Independent Inquiry into Child Sexual Abuse (IICSA), commission d’enquête supposée indépendante, a commencé ses auditions publiques sur les abus sexuels et autres crimes contre ces enfants en Australie et au Canada. Parmi les institutions caritatives et religieuses responsables, sont citées Barnardo’s, une organisation caritative britannique « pour enfants pauvres de Londres » fondée en 1866, très présente encore aujourd’hui dans le Commonwealth, et placée sous le patronage de la Reine ; la Fairbridge Society, fondée par Kingsley Fairbridge, d’origine sud-africaine, initiatrice du programme d’émigration des enfants dans les colonies britanniques, en 1920 et des « Fairbridge Schools ». C’est pour travailler dans sa nouvelle ferme, en Australie, que sont arrivés les 22 premiers garçons âgés de 7 à 13 ans). On trouve encore les Sœurs de Nazareth, de sinistre réputation en Irlande et en Grande-Bretagne dans ces années.
Les pressions sont fortes pour étouffer le scandale. Les avocats des victimes ont ainsi réclamé que la Commission publie les noms des responsables de ces crimes, supprimés des rapports d’auditions menées par les enquêteurs. Ils reprochent également à la commission d’enquête de ne pas avoir exigé des institutions, religieuses notamment, de conserver « tous les dossiers jusqu’à la clarification de la situation », pour éviter au mieux leur destruction. En 2015, les autorités australiennes ont versé 24 millions de dollars australiens (15 millions d’euros) aux victimes de l’« école Fairbridge », après le dépôt d’une plainte contre l’État et les gouvernements fédéraux.