Bruits de bottes et invectives diplomatiques : la guerre n’a jamais été aussi près d’éclater autour du Sahara occidental entre, d’une part, le Polisario et le Maroc et, d’autre part, ce dernier et la Mauritanie, accusée par Rabat de favoriser le mouvement indépendantiste sahraoui. Cela fait déjà plusieurs mois que, sous divers prétextes, Nouakchott est la cible de campagnes de presse à répétition dans les journaux du palais. Après une courte éclaircie, les rapports diplomatiques entre les deux pays sont devenus exécrables. La crise de Guergerat, cette région du nord de la Mauritanie que le Maroc veut mettre sous sa tutelle, au détriment à la fois de Nouakchott et du Polisario, n’a fait qu’aggraver les choses en rapprochant la Mauritanie des Sahraouis. Ils font cause commune pour interdire un nouveau fait accompli marocain.
La visite surprise dans ces confins du nouveau président de la République arabe sahraouie démocratique, Brahim Ghali, a démenti toute maîtrise militaire marocaine sur la région et provoqué la colère impuissante de Rabat. Dès les premiers mouvements de troupes marocaines, le Polisario avait dénoncé « l’escalade » chérifienne dans la région, récusé les prétextes invoqués et affirmé qu’il s’agissait d’un casus belli qui menaçait l’accord de cessez-le-feu de 1991 entre le Polisario et le Maroc. « Toute argumentation présentée par l’occupant marocain pour ces agissements demeure infondée et sera rejetée », a-t-il écrit au secrétaire général des Nations unies. Le Polisario estime en effet que les forces marocaines agissaient au-delà du « mur » de défense, une barrière de sable bâtie sur près de 2 500 kilomètres par Rabat dans le Sahara pour lutter contre le Polisario. Depuis, le mouvement sahraoui veut installer des postes de surveillance, ce qui est considéré par Rabat comme une manière de se donner les attributs d’un État souverain. Il se trouve que l’État sahraoui, proclamé en 1976 dans les territoires libérés en pleine guerre avec le Maroc, est reconnu par l’Union africaine. Elle vient de le rappeler avec fermeté à Rabat, à l’occasion du dépôt par ce dernier d’une demande d’adhésion à l’organisation panafricaine.
Le Maroc accuse la Mauritanie de « complicité » dans cette affaire et veut croire que l’Algérie en est le « commanditaire » principal. En fait, ce sont bien les obstructions répétées du Maroc à toute évolution diplomatique dans un dossier qui traîne depuis plus de 40 ans qui sont à l’origine de la tension.