Barack Obama a finalement été réélu à la tête des États-Unis d’Amérique. Une bonne nouvelle pour sa famille. La photo sur laquelle il enlace tendrement et longuement son épouse Michelle, devant ses filles toutes heureuses, montre bien à quel point la victoire du 6 novembre a procuré du bonheur au foyer Obama.
Sa famille politique n’a pas boudé son plaisir non plus. Les démocrates ont fêté comme il se devait cette réélection. Les Noirs américains, qui ont pratiquement tous voté pour le « frère » (à 93 %), ont aussi manifesté leur joie, quoique de façon contenue. Dans le village de Kogelo au Kenya, où vit Mama Sarah, la grand-mère par alliance du président américain, on a dansé toute la nuit. Tout le village a prié pour que le « cousin » Obama gagne. Idem au Ghana, où Obama s’était arrêté en juillet 2009, pour son unique voyage en terre africaine. Quasiment partout sur le continent africain, les « frères » et « cousins » du 44e président des États-Unis ont été nombreux à célébrer sa victoire.
Mais Obama ne se soucie guère des prières, des incantations ou des danses d’Africains. Quatre années durant, il a sillonné moult pays de la planète sans accorder une attention particulière à ses « cousins » d’Afrique. « Aurait-il honte de nous ? », s’interroge-t-on au Kenya. Pas un seul voyage sur la terre natale de son père ! Vu d’Afrique, cela ressemble fort à une indignité. Mais Obama est américain, il a été élu par les Américains, pour défendre les intérêts des Américains.
Aux États-Unis même, rien n’a changé pour les Afro-Américains. Ils ont voté en masse pour Obama, mais ils n’ont pas encore été payés de retour. Peut-être au cours de ce second mandat ?
Rien n’est moins sûr. Pour faire clean et civilisé, Obama ne s’attaquera pas de front aux ségrégations raciales qui ont encore cours dans des contrées des États-Unis. Et se décidera-t-il, enfin, à effectuer une vraie tournée africaine, ou déléguera-t-il, à nouveau, ce rôle, au remplaçant ou à la remplaçante d’Hillary Clinton, sur le départ ?
En Afrique, malgré les déceptions, beaucoup continuent de croire au « frère ». Le Kenya espère une visite. L’Afrique du Sud aussi. Ainsi que le Nigeria, le Ghana, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Sud-Soudan, État créé grâce aux Américains.
À supposer qu’Obama visite plus de pays africains au cours des quatre prochaines années, quelles conséquences cela pourrait-il bien avoir en Afrique ? On cherche en vain ce qu’il y a eu de spécial au Ghana depuis son voyage à Accra et au fort esclavagiste de Cape Coast. Sa fameuse phrase selon laquelle l’avenir de l’Afrique appartient aux Africains ne s’est pas confirmée dans les faits. L’avenir de la Libye a changé sous les bombes de l’Otan, qui n’est pas une organisation africaine. Les institutions de Bretton Woods, près de la Maison-Blanche, continuent de gérer les économies africaines en leur faisant plus de mal que de bien.
Obama avait aussi déclaré que l’Occident n’était pas responsable de ce qui se passe au Zimbabwe, ou de l’enrôlement des enfants soldats dans des conflits armés en Afrique. Cette assertion n’est vraie qu’en partie. De nombreuses multinationales occidentales sont dans l’ombre de ces guerres, du Sahel en République démocratique du Congo, en passant par le golfe de Guinée. Derrière chaque conflit en Afrique, il y a une main occidentale, disait le Guide Mouammar Kadhafi. Pour avoir dit cela, et bien d’autres vérités, il a été torturé et assassiné. Au Sahel, c’est l’argent payé par les Occidentaux pour faire libérer leurs otages qui alimente les conflits et le terrorisme.
Un mois avant le Ghana, Obama avait tenu un discours-fleuve au Caire, en Égypte, où il parlait d’un nouveau commencement de l’histoire des relations entre l’Amérique et le monde musulman. Ce commencement n’a toujours pas commencé. Les États-Unis ont certes quitté l’Irak, mais s’apprêtent à attaquer ou à faire attaquer l’Iran et la Syrie.
« L’Amérique ne tournera pas le dos aux aspirations légitimes des Palestiniens à la dignité et à un État à eux », soutenait également Obama. Peut-on dire, aujourd’hui, qu’il a donné suite aux aspirations légitimes des Palestiniens à vivre dans un État souverain aux frontières respectées ? Gaza est toujours une prison à ciel ouvert, où la précarité et l’absence de perspectives nourrissent les extrémismes les plus violents, aux manifestations par ailleurs intolérables. Pendant que l’armée israélienne déversait, une énième fois, ses bombes sur Gaza, tuant indistinctement femmes et enfants, Obama était en tournée en Asie, multipliant ses effusions avec Aung San Suu Kyi.
« Certains ne défendent la démocratie que lorsqu’ils n’ont pas le pouvoir. Une fois au pouvoir, ils répriment impitoyablement les droits des autres », soutenait Obama. Deux ans plus tard, en Afrique du Nord, des régimes se comportent exactement comme l’avait anticipé le président américain.
Mais l’Occident ne réagit à ces dévoiements de la démocratie que lorsque ses ressortissants en sont directement victimes. Obama I, ayons le courage de le dire, a été un faux frère. Allons-nous retrouver notre frère, notre cousin, notre oncle, au cours des quatre années qui viennent ? Ou faire comme Mama Sarah : prier et attendre.