Les nouvelles et les statistiques en provenance d’Afrique du Sud laissent présager de forts ouragans sociaux. Sur 52 millions d’habitants, 79 % sont noirs, dont 11 millions d’enfants ont moins de cinq ans. Le revenu moyen des foyers blancs est six fois plus élevé que celui des foyers noirs. Trente pour cent de la force de travail est au chômage. Les grèves et les massacres de mineurs dans les mines de platine se poursuivent.
On ne peut pas affirmer que la situation est vraiment meilleure dans plusieurs pays de la région australe, notamment au Swaziland et au Malawi. Dans le premier, les caisses sont vides, les salaires en retard, mais les dépenses de la famille royale sont en constante augmentation. Les quatorze épouses du roi Mswati II font des voyages à Las Vegas ou Londres pour y faire leurs courses ! Le malaise que ces folies suscitent se traduit par des grèves, des arrestations de syndicalistes et des démissions de ministres dénonçant le luxe royal. D’Afrique du Sud arrivent des encouragements au combat contre la royauté et des aides en argent et conseils, notamment de la part des partis progressistes et des syndicats. Le FMI, les bailleurs de fonds, l’Union européenne et plusieurs pays réduisent leurs dons et prêts, en partie à cause de la crise financière, mais aussi parce qu’ils sont écœurés par le train de vie invraisemblable de la famille régnante.
Outre les problèmes hérités du régime de Bingo Mutharika et de ses œuvres pharaoniques, le Malawi, lui, souffre du manque d’argent pour se fournir en combustibles, du très mauvais état du réseau d’énergie électrique, et encore d’une sévère sécheresse qui a affecté les cultures de maïs. La faim menace désormais des millions de personnes. La présidente Joyce Banda et son gouvernement tentent de faire face à ces sérieuses difficultés, dans une mauvaise conjoncture et en l’absence de cohésion politique et de culture d’État. Les intérêts bien égoïstes des divers groupes de la nomenclature paralysent l’exécutif.
Si le Mozambique semble se trouver dans une situation économique plus confortable à moyen terme, on ne peut pas en dire de même pour sa situation sociale. Les découvertes continues de nouveaux gisements de gaz, de charbon ou de fer ne signifient ni rentrées immédiates dans les caisses d’État, ni création de nouveaux emplois et amélioration du revenu des familles. On se rappelle des manifestations peu pacifiques qui ont eu lieu en février 2008 et septembre 2010 dans la capitale, Maputo. La cause en avait été la hausse des prix de l’énergie, de l’eau et des transports. Or, on annonce à nouveau l’augmentation de ces derniers. On verra avec quelles conséquences.
Par ailleurs, le leader de la Renamo, parti d’opposition, orphelin de ses patrons de l’ancienne Rhodésie et de l’Intelligence militaire sud-africaine du temps de l’apartheid, multiplie les déclarations belliqueuses. Bien qu’elles soient unanimement condamnées par la société civile et les différents partis politiques, et qu’elles aient très peu de chances d’être mises en pratique, ces déclarations suscitent tout de même l’inquiétude dans l’opinion et chez les entrepreneurs nationaux et étrangers. Le président Guebuza et son gouvernement ont la situation sous contrôle, mais de nombreux petits effritements peuvent finir par provoquer de multiples secousses et faire tomber des bâtiments solides.
Si la situation économique se stabilise au Zimbabwe, le scénario et les perspectives de l’après-Mugabe restent une inconnue. Le président zimbabwéen, âgé de 88 ans, veut même briguer un nouveau mandat. Beaucoup croient que c’est parce qu’au sein de la Zanu, son parti, trop de candidats visent son fauteuil, et cela par tous les moyens. La cohabitation avec le MDC de Morgan Tsvangirai n’a jamais dépassé le stade d’un mariage comportant beaucoup de violence domestique, notamment parce que cette union a plus ou moins été imposée par les voisins, la communauté internationale et la Communauté de développement d’Afrique australe, la SADC.
En revanche, en Zambie, Lesotho, Botswana, Namibie et Angola, rien de très nouveau. Une nouvelle voie ferrée devrait voir le jour entre le Botswana et le port de Maputo afin d’écouler le charbon de ce pays enclavé. Avec une croissance annuelle de 7 % et un revenu per capita de 1 500 dollars, la Tanzanie affiche une certaine stabilité. Le conflit entre ce pays et le Malawi sur les gisements de pétrole et gaz du lac Nyassa n’est pas dans l’intérêt de ces deux États, et encore moins de la région. Fort heureusement, la guerre des mots a été abandonnée au profit de la diplomatie et des médiations.
Les menaces d’ouragans ne manquent pas, mais il y a aussi assez de sagesse dans nos pays pour espérer qu’elle puisse prévaloir.