Victor Hugo disait qu’il fallait pardonner aux partisans de la peine de mort tant qu’ils n’avaient pas vu une guillotine. Le débat sur la peine capitale surgi récemment au Maghreb renvoie à cette réflexion. Les Algériens connaissent la guillotine qui a tranché des têtes nationalistes à Serkadji. Elle est exposée au musée d’El-Moudjahid, témoin de la barbarie coloniale. Ceux qui militent pour le maintien de ce supplice d’un autre âge, pour quelque raison que ce soit, devraient se rendre au pied de ce monument sinistre. Ils se rendront compte qu’aucun crime ne mérite pour châtiment qu’un être humain monte les marches d’une telle machine de mort, les mains liées derrière le dos, la tête couverte d’une cagoule noire, et pose son cou sur le billot, offert à la lame qui le tranchera sec dans un chuintement macabre et un effroyable jaillissement d’hémoglobine fumante. Pied de nez à leur propre destin, des suppliciés célèbres ont tourné leur mort en dérision. La légende veut que le saint Denis ait repris sa tête qui venait de rouler pour l’amener jusqu’à sa sépulture. Marat somma son bourreau de montrer sa tête au peuple : « Elle en vaut la peine », dit-il. Marie-Antoinette s’excusa auprès du sien d’avoir marché sur sa tunique, avant de lui tendre son cou. La mort est assurément une affaire trop sérieuse pour être laissée aux justiciers perclus de ressentiments et assoiffés de vengeance.
Supplétifs
L’islamophobie en Europe a ses idéologues, ses propagandistes, ses thuriféraires et ses activistes. Ils se manifestent dans des débats télévisés, organisent des ratonnades, allument des incendies dans des mosquées et/ou profanent des tombes. Y compris les sépultures de braves soldats tombés pour la libération des pays asservis par le nazisme. Ils n’ont pas besoin de supplétifs pour pousser les surenchères jusqu’à prôner un racisme larvé au prétexte de la laïcité. La Pakistanaise Taslima Nasreen vient de nous asséner : « Les terroristes du 11-Septembre n’ont pas mal compris l’islam, ils ont fait ce que le Coran leur commandait de faire », ajoutant : « L’islam ne peut être réformé » et insistant sur le fait que la notion d’« islam modéré » n’avait pas de sens. C’est faire trop d’honneur à des sectes criminelles que l’on tente depuis des années de nous imposer dans les médias occidentaux comme les « seuls véritables musulmans » disponibles sur le marché de la foi, selon une technique éprouvée du marketing politico-religieux. C’est jeter à la rivière le travail de relecture en profondeur du texte sacré, en cours dans plusieurs États qui ont opté pour la modernité sans renier leurs racines. Le châtiment mérité de ces supplétifs, embauchés comme faire-valoir, est qu’ils sont relégués en marge des débats, comme une maladie honteuse reste en marge des conversations.