C’est la question que ne cessent de poser les hommes politiques, experts et observateurs de la situation économique en Afrique. Difficile de l’oublier : la crise globale déclenchée à l’automne 2008, à la suite de la crise des subprimes aux États-Unis, a frappé le continent africain de plein fouet. Elle a mis un frein à la reprise forte, mais encore insuffisante, de la croissance qui, après la décennie perdue des années 1980, commençait à prendre le chemin du développement et de la stabilité dès le milieu des années 1990. Aujourd’hui, l’heure est au retour de l’optimisme dans les pays émergents comme l’Inde et la Chine, qui sont sur le point de retrouver leur forte croissance d’avant la crise. Cet optimisme touchera-t-il à son tour l’Afrique ?
Les prévisions disponibles soulignent que le continent a pu maintenir une croissance positive de 2 % en 2009 en dépit des fortes turbulences. Il pourrait obtenir une croissance plus forte dès cette année : 4,75 %, qui pourrait atteindre 6 % pour 2011. Comment expliquer cette performance après une année difficile ? Il y a d’abord les bonnes raisons, comme le rôle des politiques contracycliques et de relance mises en place par beaucoup de pays africains face à l’impact de la crise globale. Selon différentes études, elles ont eu un effet positif dans un contexte d’assèchement des sources externes. Les études soulignent qu’elles n’ont pas creusé lourdement les déficits publics, montrant que les gouvernements africains disposent encore d’une marge de manœuvre qu’ils devraient saisir pour renforcer leurs efforts en matière de lutte contre la pauvreté.
D’autres facteurs expliquent le retour à la croissance, comme la faible intégration des banques dans la globalisation financière qui leur a permis d’échapper aux turbulences et aux crises de la finance sans frontières. Il faut également ajouter le redressement du commerce international qui, après une chute brutale de moins 11 % en 2009, reprendra des couleurs en 2010 et pourrait atteindre une croissance de 7 %. Ce regain se traduira par une demande plus forte sur les exportations africaines. Notons enfin que la baisse des transferts des immigrés et de l’aide publique, que l’on craignait, n’a pas été aussi forte que prévu.
Mais il y a aussi les mauvaises raisons ayant contribué au maintien de la croissance en Afrique : la faible intégration de certaines économies, particulièrement les pays les moins avancés, dans l’économie globale. Ces pays n’ont pas été en mesure de diversifier leurs économies et sont restes fortement dépendants des exportations de matières premières. L’impact de la crise y a été moins important que sur les larges économies comme l’Afrique du Sud, l’Égypte ou le Maroc, et les pays exportateurs de pétrole comme le Nigeria ou l’Algérie.
Autre question concernant la reprise : sera-t-elle suffisante pour permettre à l’Afrique de lutter contre la pauvreté de manière efficace et d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement ? Malheureusement non. Bien avant la crise, on estimait que l’Afrique devait enregistrer une croissance annuelle d’au moins 7 % par an pour réduire la pauvreté de moitié, comme elle s’était engagée à le faire lors du sommet du Millénaire. Or, le continent n’a jamais été en mesure d’atteindre cet objectif. À cela, il faut ajouter les retards dus à l’impact négatif de la crise. La croissance prévue ne sera pas suffisante pour renverser la tendance lourde de la pauvreté et de la marginalisation.
Que faire, alors, pour retrouver les chemins d’une forte croissance et du développement en Afrique ? Dans cette perspective, trois défis majeurs sont à relever. Le premier est d’ordre national. Il concerne l’accélération du processus de diversification des économies et leur transformation structurelle, afin de rompre la dépendance envers les produits de rente et lier la croissance aux secteurs dynamiques à fort contenu technologique. Le deuxième est d’ordre régional. Il suppose le renforcement de la coopération régionale qui pourrait offrir des perspectives de croissance importantes pour le continent. À ce niveau, la relance des programmes d’investissement dans les infrastructures régionales constituerait un pilier important pour une reprise forte de la croissance. Le dernier défi concerne l’accès aux marchés internationaux qui pourrait appuyer le processus de diversification des économies africaines.
Certes, ces trois priorités sont au cœur des préoccupations des institutions africaines. Mais il est temps de les renforcer et d’assurer leur mise en œuvre sans plus tarder.
w.hakimbenhammouda.
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