En suivant les pas de ses prédécesseurs, Barack Obama a visité trois pays africains : le Sénégal, l’Afrique du Sud et la Tanzanie. Faut-il en déduire que les présidents américains en exercice ne connaissent pas, ou si peu, les autres pays du continent ? En Afrique du Sud, Obama avait prévu de rendre visite à l’icône mondiale qu’est devenu Nelson Mandela, mais il a dû y renoncer du fait de l’aggravation de l’état de santé de l’ancien président, hospitalisé depuis plusieurs jours à l’époque. Le chef d’État américain s’est contenté d’une visite à Robben Island, l’île-prison des combattants anti-apartheid, et d’un coup de fil à l’épouse de Mandela, Graça Machel.
Et c’est tant mieux pour son image, car le siège des médias dans les environs de l’hôpital avait donné lieu à d’importantes manifestations spontanées de gens exigeant un peu de respect pour l’homme et ses proches.
Aux annonces d’une fin imminente, la presse mondiale a accouru en masse, scruté des semaines durant les visages des médecins, des infirmiers, des porte-parole ou de la famille, dans une surenchère effrontée de médiatisation de l’agonie du leader de la lutte anti-apartheid. Les filles et petits-fils de Madiba ont largement participé à la spéculation effrayante de cette mort, continuant à se battre jusqu’au dernier souffle pour l’héritage, la vente des droits de transmission des funérailles, voire le lieu de l’enterrement de Madiba, alors qu’il était – et est encore en vie au moment où nous écrivons ces lignes (mi-aout). Le tout en public. Écœurant.
Nelson Mandela continuera d’être aimé en Afrique du Sud, en Afrique et dans le monde par-delà sa mort. Sa présidence, entre 1994 et 1999, a été cruciale dans l’apaisement des tensions raciales, après des décennies de violentes discriminations et répressions ayant déchiré le pays. Mais les rênes du pouvoir étaient entre les mains de Thabo Mbeki, son vice-président. Et ce dernier n’a pas entrepris de corriger les graves injustices économiques héritées de l’apartheid. Il a plutôt cherché à assurer la protection des intérêts des grands groupes multinationaux et, à travers la politique du black empowerment, contribué à l’avènement d’une douzaine de milliardaires noirs, sans toutefois s’attaquer aux questions de fond, que ce soit la spoliation des terres ou les droits des travailleurs non blancs et l’effrayant chômage des jeunes.
Chez nous au Mozambique, on reparle de guerre, vingt et une années après la signature des accords de paix à Rome, entre le gouvernement et le Renamo. Cette organisation, dont je ne cesserai de rappeler qu’elle fut créée par des colons portugais ultras avec le soutien du régime de Ian Smith en Rhodésie puis de Pretoria, menace de reprendre les armes, de s’attaquer aux infrastructures et aux forces de l’ordre, tels des chevaliers de l’Apocalypse.
L’essence de son exigence : de l’argent ! Depuis 1992, son leader a pourtant touché quelque 20 millions de dollars de la part de l’État, des Nations unies et des ambassades intéressées au maintien de la paix. De l’argent qu’il entend gérer tout seul, sans contrôle de son parti ou de qui que ce soit. À telle enseigne que son épouse et son fils se plaignent publiquement de ne rien recevoir pour eux.
Le président Guebuza a accepté de le rencontrer une énième fois. Mais cela ne peut continuer ainsi. Le chef de la Renamo agit dans une totale illégalité.
Les nouvelles ne sont pas bonnes pour les multinationales au Mozambique. Au Malawi, les travailleurs qui construisent une voie ferrée reliant les mines mozambicaines de Moatize au port mozambicain de Nacala, passant par le sud du Malawi, sont en grève. L’entreprise portugaise Mota Engil, qui construit la ligne, a offert une hausse des salaires de 30 %. Les travailleurs ont refusé, exigeant les mêmes salaires que les travailleurs thaïlandais, et veulent en plus que l’on remplace les étrangers par des nationaux.
Le géant brésilien Vale est propriétaire de la ligne ferrée et d’une partie des mines de charbon de Moatize, au nord du Mozambique. Vale a déjà été confronté à maintes protestations de la part de la population de la région minière. Son attitude arrogante lui vaut une croissante impopularité.
En apprenant à quel point l’Europe et d’autres continents ont été visés par l’espionnage électronique des États-Unis, qui n’ont pas épargné leurs meilleurs alliés, on a envie de se demander si notre continent est également l’objet de ces intrusions totalement illicites. Mais si tel était le cas, aurait-on réagi par des dénonciations fermes ?
Nous espérons à l’avenir le meilleur pour notre région et l’Afrique… mais soyons prêts pour le pire. Nous avons l’avantage d’une longue expérience en matière d’art de survivre.