Au fur et à mesure que progresse l’enquête sur l’odieux attentat terroriste de Boston, perpétré avec détermination par les frères Tsarnaev, des Tchétchènes naturalisés américains, les rares informations déjà filtrées par les enquêteurs donnent froid dans le dos. On apprend par exemple que les deux terroristes projetaient, une fois le carnage de Boston effectué, un autre attentat en plein cœur de New York. On apprend aussi que les services antiterroristes russes avaient déjà alerté le FBI et la CIA des agissements suspects de l’un des deux frères, Tamerlan Tsarnaev. Son nom avait ainsi été intégré dès 2011 dans la base de données du Centre national antiterroriste (NCT), le Terrorist Identities Datamart Environment (Tide), qui contient un demi-million de personnes à surveiller ! Cela n’est pas sans rappeler le cas, en France, d’un certain Mohamed Merah, surveillé depuis 2007.
Comment se fait-il qu’on en soit arrivé à un si piètre résultat après le 11 septembre 2001, qui a conduit l’ensemble des pays occidentaux, et avec eux le monde entier, à ériger la lutte contre le terrorisme comme une priorité absolue, et parfois au détriment du respect des droits de l’homme les plus élémentaires ? Jusqu’ici, les mesures draconiennes de prévention et de sécurité ne semblent pas avoir limité le champ d’action et de nuisance de groupes terroristes qui ne cessent de prospérer. Comme on l’a vu à Boston, à Toulouse et Montauban, mais aussi dans le Sahel, en Somalie, au Nigeria, en Libye, en Algérie avec l’attaque terroriste d’In Amenas, au Pakistan, en Afghanistan, en Irak, en Syrie…
Cette liste qui est, hélas ! loin d’être exhaustive, nous interpelle à plus d’un niveau. S’agit-il d’une simple faillite dans la stratégie de lutte planétaire contre le terrorisme, ou de la permanence de l’ancienne compromission occidentale, en premier lieu américaine, avec le terrorisme afin de déstabiliser des pays récalcitrants ? On croyait que, depuis les attentats du 11-Septembre perpétrés par l’organisation de Ben Laden, une ancienne créature de la CIA qui s’est retournée contre son concepteur, les Occidentaux, Américains en tête, avaient abandonné définitivement l’alliance trop risquée avec la nébuleuse terroriste – dont certains dirigeants étaient même appelés « combattants pour la liberté », lors de la guerre contre l’invasion soviétique en Afghanistan. On se rend compte aujourd’hui qu’il n’en a rien été. Plutôt que de s’attaquer au Royaume saoudien dont la majorité des terroristes étaient originaires, mais qui était – et reste – l’allié des États-Unis, G. W. Bush a choisi, dans la foulée de sa guerre contre l’Afghanistan, d’envahir l’Irak de Saddam Hussein. Or, non seulement celui-ci n’avait rien à voir avec l’attentat du 11-Septembre, mais il était l’ennemi implacable de l’idéologie wahhabite qui avait armé idéologiquement ses assassins… De pays où Al-Qaïda n’avait pas droit de cité, la Mésopotamie en est devenue un théâtre de prédilection pour la mouvance terroriste. Dix ans après le déclenchement de la guerre, le peuple irakien – tout comme l’ensemble des peuples du Moyen-Orient – continue de saigner.
Le deuxième exemple de la myopie occidentale criminelle aura été la guerre contre la Libye. Une guerre menée par l’Otan, conduite cette fois-ci par la France et le Royaume-Uni pour prétendument protéger la population d’un « génocide assuré ». On connaît la suite. Pour sauver quelques centaines d’opposants à Benghazi, des dizaines de milliers de Libyens ont péri, soit sous les bombes des libérateurs de l’Otan, soit dans des combats fratricides et tribaux. Le régime de Kadhafi est tombé, mais la Libye « libérée » est devenue, comme l’Irak en 2003, un pays en ruine, exportateur de terrorisme, d’armes et de chaos dans toute la région. Si la plaidoirie de l’Union africaine pour une transition politique en Libye avait été écoutée, les troupes françaises n’auraient pas été envoyées au Mali pour combattre contre les terroristes et les bandits dont Paris a indirectement mais objectivement permis la montée en puissance dans le Sahel.
Mais nous n’en sommes pas à une contradiction près. Car au moment où la France envoie ses soldats mourir au Mali, elle continue, avec un aveuglement inouï, à fermer les yeux, voire à soutenir, les mêmes groupes terroristes en Syrie qui font le plus grand mal à la lutte légitime du peuple pour la démocratie, les réformes et l’alternance politique. Et ils feront mal à l’Europe demain. Car une fois la Syrie détruite, ces mêmes groupes (voir page 48) retourneront leurs armes contre leurs bienfaiteurs occidentaux.
Les idiots utiles ne sont pas rares au sein des élites politiques occidentales. Mais leur nombre ne cesse de croître. Comment s’étonner après que de nouveaux terroristes ne suivent la folie meurtrière des frères Tsarnaev ? Une folie dont les musulmans sont les premières victimes.