La mémoire étant plus courte qu’une paille, tous les historiens politologues et commentateurs, qui usent de l’encre et des mots pour commenter le voyage de François Hollande à Alger, ont oublié un détail : que le Parti socialiste français commence par présenter ses excuses à l’Algérie, et aussi à la France. Qui, de 1954 à 1958 a conduit « l’opération de police » que la SFIO n’osait appeler « guerre » ? On comprend l’embarras des « éléphants » d’aujourd’hui, faire acte de repentance, en dehors d’être trop catholique, serait d’abord se repentir soi-même. De toute urgence. Proposons-leur, à Arras ou ailleurs, de déboulonner s’il en reste un buste de Guy Mollet qui, de sa voix grave lubrifiée à la fumée des Gitanes, a inlassablement couvert tous les crimes.
Et que faire de l’encombrante mémoire de François Mitterrand qui, pendant cette guerre coloniale a, à la Justice, tenu le cordon de la guillotine, ou à l’Intérieur, les gâchettes des fusils ? Dans un livre qui a ses mérites, « Mitterrand et la Guerre d’Algérie », Benjamin Stora et François Malye rappellent des vérités qui ont survécu à la purge des archives. Comme ces documents oubliés sur les étagères du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Résumons. Le 4 février 1957, Mitterrand signe un article de loi qui réduit le délai de recours en grâce après le prononcé d’une peine capitale. Pourrissent alors en prison, entre tortures et cellules, un grand nombre de « terroristes », ces escouades de fellaghas qu’il va bien falloir éclaircir.
Deux jours plus tard, le 6 février, le CSM examine, en une heure et demie, les recours de 21 condamnés à mort. Ce qui fait, si on ajoute un temps de pose pour fumer une cigarette, quatre minutes par dossier. Sur la table figure celui d’Iveton, le communiste d’origine « métropolitaine ». Il a posé une bombe qui n’a pas explosé. Le ministre Mitterrand vote sa mort, comme toujours, ou presque toujours. Au total, pendant le séjour de Mitterrand place Vendôme, Stora et Malye ont décompté 45 exécutions. Huit fois sur dix le Garde des sceaux, de gauche, ayant approuvé que la tête roulât dans la sciure. Épuisé, le bourreau d’Alger trouvait la cadence infernale et de justes comparaisons : « comme pendant la Terreur ou à la Libération »…
Après avoir judicieusement réprouvé les tueries du 17 octobre 1961, qui mettaient en cause De Gaulle et Papon, que le président de la République fasse un pas de plus en demandant pardon à l’Algérie et à notre Histoire.