Comment le protocole de l’Élysée a-t-il pu à ce point se faire dicter le programme de la visite du premier ministre israélien en France, les 31 octobre et 1er novembre dernier ? À l’école Ozar-Hatorah de Toulouse où il a été accueilli aux côtés du président de la République française, Benyamin Netanyahou n’a pas eu l’élégance d’associer toutes les victimes de Mohamed Merah au moment d’un recueillement qui s’est vite transformé en campagne électorale du Likoud. Lors de sa conférence de presse commune avec François Hollande, il a même eu le culot d’inviter les juifs français à venir s’installer en Israël. Plutôt que d’écourter l’exercice, le président français a tout juste répliqué que leur place était en France selon le libre arbitre de chacun des citoyens de notre République…
Considérant, un peu vite, qu’un Iran doté de l’arme nucléaire serait une menace pour la France et le monde entier en soulignant que le régime de sanctions serait maintenu et aggravé « autant qu’il sera nécessaire », François Hollande en fit même plus que Barack Obama fraîchement réélu. Mais c’est sur le dossier palestinien que le président Hollande a le plus surpris le peuple de France. Après être passé comme chat sur braises sur la traditionnelle opposition de la France à la poursuite de la colonisation des Territoires palestiniens occupés, il a condamné la tentative de l’Autorité palestinienne « d’aller chercher à l’Assemblée générale des Nations unies ce qu’elle n’obtient pas par la négociation… », appelant à une « reprise sans condition des négociations », ce qui est – dans le texte et l’esprit – la position même de Tel-Aviv.
Même l’essayiste Elie Barnavi devait s’indigner en ces termes : « J’ignore ce qui a pu conduire François Hollande à s’aligner ainsi sur les positions d’un homme dont les penchants idéologiques, qu’il ne saurait ignorer, se trouvent aux antipodes des siens. » Après s’être ainsi essuyé les pieds sur une certaine idée de la France – des soldats de l’armée de l’an II, de la commune au Conseil national de la résistance et jusqu’aux reconstructions du général de Gaulle –, Netanyahou a conclu son séjour en lâchant : « De toute façon, les positions de la France sont sans importance, parce que ce pays n’est pas un partenaire stratégique d’Israël. »
Un peu tard, devant quelques journalistes, François Hollande l’a reconnu : « Le premier ministre israélien n’avait pas été correct. » C’est le moins que l’on pouvait dire à un moment où, bien que continuant à condamner la colonisation israélienne, l’Union européenne ne cesse de renforcer et diversifier ses coopérations économique, militaire et universitaire avec ce pays. Un rapport intitulé La Paix au rabais : comment l’UE renforce les colonies israéliennes, établi par vingt-deux organisations non gouvernementales – dont le CCFD-Terre solidarité et la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) –, vient rappeler très opportunément : « L’UE a déclaré que les colonies sont illégales au regard du droit international. Elles constituent un obstacle à l’instauration de la paix et risquent de rendre impossible une solution à deux États », mais, dans le même temps « son marché est l’un des principaux débouchés pour les produits issus de ces mêmes colonies ». En effet, la plupart des États membres de l’UE, dont la France, n’assurent pas un étiquetage correct de ces produits dans les magasins, laissant les consommateurs dans l’ignorance quant à leur véritable origine, contrairement aux directives de l’UE.
Acte de guerre, la colonisation israélienne qui se poursuit quotidiennement dans les Territoires palestiniens occupés empêche toute reprise sérieuse de négociations de paix. Nos diplomates et les conseillers de François Hollande le savent parfaitement. Ce sont les mêmes qui avaient rédigé le 59e engagement de sa campagne pour l’élection présidentielle française : « […] Je prendrai des initiatives pour favoriser, par de nouvelles négociations, la paix et la sécurité entre Israël et la Palestine. Je soutiendrai la reconnaissance internationale de l’État palestinien. »
Même s’il n’a pas été « correct », le premier ministre israélien pouvait être très satisfait de sa tournée électorale en France et, dès lors, très tranquillement déclencher un nouveau déluge de feu sur les populations de la bande de Gaza. Cette posture récurrente précède toujours de nouvelles élections législatives israéliennes. Ne pouvant envisager sérieusement des opérations militaires contre l’Iran, la Syrie ou le Liban, le premier ministre israélien ne manque pas seulement de correction avec ses hôtes, mais il continue à violer impunément toutes les résolutions des Nations unies, pas moins de 400 consacrées à la Palestine depuis 1948…
Ce personnage qui n’est pas « correct » mériterait mille fois d’être traîné devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye. Qui aura le courage de rendre ainsi justice à ses milliers de victimes ? La question se pose depuis tant d’années…