Cinéma Au Pavillon des cinémas du monde, au festival de Cannes, on a beaucoup échangé entre jeunes réalisateurs du Sud. Rencontre avec les parrains de la manifestation.
Dans les grand-messes convenues, il est parfois des surprises qui font chaud au cœur. Ainsi du Pavillon des cinémas du monde, au
63e festival de Cannes du 12 au 23 mai dernier. Pour sa deuxième édition (1), cet espace a accueilli douze jeunes réalisateurs et producteurs venus principalement de pays du Sud (1) qui ne font pas l’ordinaire de la sélection officielle ni l’affiche des salles de cinéma. Et pour cause : souvent très pauvres, presque toujours inondés par des sous-produits internationaux (étasuniens, indiens, égyptiens, nigérians…), ces pays peinent à mettre en place une production cinématographique, a fortiori de qualité.
Ligne de mémoire
« Je ne suis pas contre un cinéma de divertissement, mais il faut de la diversité », assure Rithy Panh, l’un des parrains du Pavillon avec l’actrice française Sandrine Bonnaire, réalisateur cambodgien, auteur du remarqué S21, la machine de mort khmer rouge. « L’Inde est la première industrie cinématographique du monde mais elle a aussi Satyajit Ray. Chez nous, il n’y a plus de place pour un autre type d’images. Pourtant, le cinéma ne doit pas être les jeux du cirque romains d’antan ! s’insurge le cinéaste. C’est un regard, une ligne de mémoire, un chemin vers le meilleur. Il ne peut pas être ce cinéma d’effacement qui endort l’esprit. »
Au Pavillon des cinémas du monde, les réalisateurs du Sud ont échangé des expériences, des visions, des façons de faire. Rencontré d’autres professionnels, consolidé des réseaux internationaux. Enrichissant et vital pour ces jeunes talents qui ont « mission » de faire connaître leur cinéma et leur regard au monde, mais avant tout à leurs propres concitoyens. « On voit très peu ces cinématographies, raconte Sandrine Bonnaire, qui a tourné avec tous les grands réalisateurs français. C’était important pour moi de mettre ma notoriété au service des plus démunis. Il est tellement anormal qu’un film en cours de développement ou achevé soit stoppé net dans son élan pour diverses raisons, notamment financières ! Il faut donner la chance aux jeunes cinéastes de s’exprimer. »
« Au Sud, on a déjà raté les livres et la lecture. Il ne faut surtout pas rater le rendez-vous de l’image. C’est le défi de la jeune génération. Il est indispensable de l’aider, il y va de notre responsabilité, est convaincu Rithi Panh. Au Cambodge comme ailleurs, il y a des Einstein qui continuent de garder des bœufs parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’exprimer. Sandrine et moi avons tous deux à cœur de voir ces jeunes percer – même si, pour les vieux que nous sommes [ils sont tous les deux quadragénaires, ndlr] les temps aussi sont durs ! » Comment aider les jeunes générations du Sud alors que la tendance générale est partout au seul divertissement ? Pour Rithy Panh, « les institutions de soutien doivent inventer de nouvelles méthodes de coopération Nord-Sud mais aussi Sud-Sud. Nous ne devons pas rater les occasions de travailler ensemble, d’échanger des idées, des techniques, comme on l’a fait au Pavillon des cinémas du monde. La France, dont nous avons pour la plupart la langue en partage, pourrait être le pivot de cette coopération Sud-Sud où tout le monde doit trouver son intérêt. »
Une coopération Sud-Sud concrète ? Le réalisateur sait de quoi il parle : il a été à l’origine de la création du Centre de ressources audiovisuelles du Cambodge, en 2006, qui met en place des échanges avec l’Institut de formation continue et de perfectionnement aux métiers du cinéma et de l'audiovisuel (créé en 2003) du cinéaste Gaston Kaboré, au Burkina Faso.
(1) Brésil, Cambodge, Chili, Équateur, Éthiopie, Georgie, Kenya, Mozambique, Niger, RDC, Territoires palestiniens, Togo.