L’auditoire de l’Espace Marine du Festival interceltique de Lorient, dans l’ouest de la France, a été littéralement subjugué, le 4 août, par l’œuvre Mor Kreizdouar, expression bretonne qui signifie la mer au milieu de la terre ». Cette musique celte, bretonne et irlandaise semblait une sorte de turquerie mâtinée d’orientale, alliant le tout avec goût et délicatesse. L’œuvre est le fruit d’une rencontre entre deux duos à l’initiative du flûtiste Sylvain Barou : l’un composé de la voix d’Érik Marchand accompagné par l’oud de Florian Baron ; l’autre du tandem Stelios Petrakis-Kevyan Chemirani dialoguant par le truchement de la lyra et du zarb.
Mor Kreizdouar vaut le détour… Après une mise en route progressive, émergeant du silence par la présentation d’un mode oriental à l’oud, le rythme se dessine peu à peu, sollicitant les autres instruments ; et la mesure impaire 5/8 s’impose à l’ensemble instrumental, complétant ainsi le caractère oriental. Les instruments – oud, flûte traversière, voix et lyra – se relaient pour faire entendre la mélodie, soutenue par un son continu comme un bourdon, à la manière d’une cornemuse, que vient enrichir la scansion d’une grille rythmique. L’échange est particulièrement riche grâce à l’écoute très fine des uns et des autres. Et c’est là, dans l’organisation des plans sonores, que réside l’une des affinités majeures entre musiques celte et orientale : les quarts de ton de cette dernière font écho à l’ornementation bretonne. Ainsi, tous les paramètres musicaux concourent à faire rayonner la musique tantôt sous un éclairage celte, tantôt sous un éclairage oriental.
Avec la tristesse, comme celle de la gwerz – complainte bretonne traditionnelle –, et la notion du temps étale, contrastent la vivacité et l’effervescence de la danse binaire, à l’irlandaise… Quand Érik Marchand chante en breton, de son timbre de voix riche en harmoniques – en osmose avec l’accompagnement oriental aux oud, lyra et percussions –, l’ensemble musical transporte l’auditoire avec une fusion harmonieuse de musiques celte et orientale ; puis vient la séparation de ces deux styles… suivie d’une refonte.
À son tour, la flûte traversière de Sylvain Barou s’exhale de l’ensemble en jouant avec le souffle, les résonances, le timbre ou les sons répétés, la musique bretonne se transmutant en musique orientale. Et quand la lyra exprime sa douleur sur une improvisation, tous les autres instruments, y compris la voix, viennent la consoler, à l’écoute de la détresse de sa note ré. Seul bémol à notre ravissement : une sonorisation qui, par intermittence, prend le risque de noyer la finesse de jeu.