Durant ma longue carrière en Amérique latine, j’ai rencontré de nombreuses personnalités intéressantes, Che Guevara et Salvador Allende entre autres. Mais personne ne m’a laissé une impression aussi marquante qu’Hugo Chavez, le génial, amusant et intelligent président du Venezuela, mort à l’âge de 58 ans. Je l’ai rencontré plusieurs fois au cours des années, je lui ai parlé, je l’ai interviewé, j’ai écrit sur lui et je l’ai aimé.
Un homme qui s’est consacré à l’amélioration de la vie de son peuple, et nous pouvons tous voir aujourd’hui ce qu’il a laissé. Comme son mentor Fidel Castro l’a fait à Cuba, Chavez a redonné sa place à son pays pour la première fois en deux siècles. Pendant sa présidence, le peuple vénézuélien « s’est levé », comme Mao Zedong l’avait dit un jour aux Chinois, et est devenu partie prenante du gouvernement.
Les journalistes ont parfois écrit que le Venezuela est un pays divisé, et ce n’est pas faux. Mais ce n’est pas un pays divisé en deux parties égales. C’est un pays qui compte 25 % de riches et 75 % de pauvres. Les riches se sont plaints de Chavez tandis que les pauvres, la grande majorité, se sont réjouis de leur dirigeant et d’un gouvernement qui a pris en compte leurs besoins. Le grand succès de Chavez a été de se saisir du grand pipeline qui transporte les revenus des puits de pétrole de Maracaibo et l’Orinoco et d’amener l’argent directement dans les bidonvilles de Caracas et les autres villes. La santé du peuple, l’éducation des jeunes et le logement pour le peuple ont tous bénéficié de ce transfert de la manne, jusque-là accessible seulement à la déjà riche oligarchie.
Chavez était un opposant inébranlable au système économique néolibéral imposé à l’Amérique latine par les États-Unis au travers de ses organisations internationales, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, avec exactement la même recette que celle qui a écrasé les pays européens ces dernières années. Tout en rejetant le projet stérile du capitalisme d’État vénéré par l’Union soviétique et ses partenaires avant 1989, le Venezuela de Chavez a rétabli le véritable rôle de l’État comme facilitateur et animateur dans des secteurs de l’activité économique aussi cruciaux que la banque, l’agriculture, la production et la distribution d’électricité et la création de richesse associée à l’industrie du pétrole. Mis en place par Chavez pendant ces quatorze années, le « modèle » sera sans doute poursuivi sous la direction de Nicolas Maduro, le président qui sera élu en avril avec une large majorité.
* Richard Gott, ancien correspondant du Guardian (Londres), est l’auteur de Hugo Chavez et la révolution bolivarienne, Éd. Verso, Londres, 2005, 315 p.