Drone : nom donné à un aéronef sans pilote, commandé à distance, avec à son bord une charge destinée à des missions de surveillance, de renseignement, de transport et – de plus en plus – de combat. Moins cher et plus simple à mettre en œuvre qu’un avion, cet aéronef capable de voler plusieurs dizaines d’heures est devenu, avec la progression des technologies informatiques, l’un des moyens les plus usités pour détruire une cible.
L’histoire d’abord : sous des ballons sans pilote munis de bombes à retardement, Venise est en 1849 la première ville à essuyer des explosions à distance. Soixante-dix ans plus tard, en 1916, aux États-Unis, l’Aerial Target, littéralement « cible aérienne », montre les dégâts que peuvent occasionner ces engins volants. Pendant et après la Première Guerre mondiale, des avions sans pilote radiocommandés lancent leurs premières torpilles. Le premier drone français est conçu dès 1923, mais l’armée française n’en saisit pas les avantages. Dans les années 1930, tandis que les Allemands développent des bombes radioguidées antichars et antinavires, des avions-cibles autonomes sont expérimentés par le Royaume-Uni et les États-Unis…
Ces derniers les utilisent largement lors de la guerre de Corée et de celle du Vietnam ou encore, en 2009, au Pakistan. Aujourd’hui, la plus grande flotte de drones au monde est américaine. L’US Navy prévoit de leur consacrer un budget de 2 milliards de dollars d’ici à 2015 et de 7 milliards en 2020.
L’administration Obama est très critiquée pour l’usage massif de ces drones en vue de tuer de prétendus terroristes d’Al-Qaïda. Un article du New York Times datant de juin 2012 raconte comment chaque semaine le président choisit, sur une carte et photos à l’appui, le prochain individu à abattre. Des « assassinats téléguidés », dénonce le journal. La critique est d’autant plus acerbe que les Américains sortent fatigués de plus de dix années de gouvernement Bush (père et fils), dont l’interventionnisme militaire a été aussi opaque que belliqueux. Les États-Unis, qui s’autoproclament juge et bourreau en s’octroyant la liberté de tuer du bout du doigt, risquent de pâtir à nouveau de leur image à l’étranger. Le spectre de l’anti-américanisme n’est pas loin…
L’exaspération des Américains s’est aggravée début février lorsque la télévision NBC a publié sur son site un livre blanc relatif à la « légalité des opérations létales dirigées contre un citoyen américain qui est un haut dirigeant opérationnel d’Al-Qaïda ou d’une force associée ». Cette publication a fait suite à l’élimination par un drone d’Anwar al-Aulaqi, un dirigeant d’Al-Qaïda et citoyen américain, en dehors des théâtres d’opération de l’armée américaine. Selon ce document, trois conditions devraient être requises pour que l’attaque soit légale : l’existence d’une menace « imminente », l’impossibilité de capturer l’individu et le respect du droit international humanitaire. Trois conditions qui restent vagues et auraient mérité un débat plus ouvert avec la population.
La vérité sur ces meurtres ciblés dérange. Le début de l’audition de John Brennan devant la Commission des renseignements du Sénat en vue de sa nomination au poste de directeur de la CIA, telle que souhaitée par Obama, a été perturbée par des manifestants. Motif : l’actuel conseiller au contre-terrorisme à la Maison-Blanche a coordonné les listes de personnes à abattre par les drones…
La loi Foreign Intelligence Surveillance Act (Fisa) revient également sur la sellette. Entrée en vigueur sous George W. Bush, elle permet à des agences de renseignement comme la CIA et la NSA de surveiller sans autorisation judiciaire les communications (appels téléphoniques et courriers électroniques) de citoyens, américains ou non, soupçonnés de terrorisme. On verrait bien cette mesure étendue à l’élimination ciblée – par des drones – desdits citoyens. Selon plusieurs experts en terrorisme, une telle décision serait soumise à des obstacles constitutionnels, politiques et pratiques majeurs. Il reste indéniable que, avec la fragmentation d’Al-Qaïda en plusieurs groupuscules difficilement localisables, un contrôle des actions du contre-terrorisme doit être mis en œuvre.
Les drones tuent un grand nombre de personnes innocentes. Certes, avant ces appareils, les victimes collatérales étaient bien plus nombreuses – Dresde, Hiroshima, Nagasaki en ont fait les tragiques expériences. Mais si une guerre n’est jamais propre, elle est encore moins un jeu, fût-elle contre le terrorisme.