L’armée libyenne pourrait se scinder entre partisans et détracteur du Guide, le colonel Kadhafi. Mais une telle scission ne signifierait par encore la possibilité de la « révolution » en cours d’aboutir.
Dans Tripoli, gagnée par la révolte et soumise à un black-out total, circulent les premières informations sur une éventuelle dissidence au sein de l’armée libyenne, après six jours de répression sanglante. Selon ces informations, qui restent à confirmer, des unités de l’armée se seraient ralliées aux insurgés à Benghazi, foyer de la révolte qui secoue le pays.
Par ailleurs, d’autres rumeurs circulent selon lesquelles certains compagnons d’armes parmi les plus influents du « Guide la Révolution », le colonel Mouammar Kadhafi, lui auraient demandé de se retirer des affaires afin d’épargner au pays plus d’effusion de sang.
Le dirigeant libyen a été vu en public la dernière fois dans la nuit de vendredi 18 à samedi 19, en costume blanc, juché sur le toit d’une limousine, acclamé par ses fidèles membres des « comités populaires ». Il n’est plus réapparu depuis et n’a fait aucune déclaration sur ses intentions.
Il a en revanche envoyé au charbon son fils aîné, Seif Al Islam qui, dans un discours à la télévision, a mis les insurgés devant un choix drastique : le retour au calme ou la guerre civile et une « rivière de sang ». Seif Al Islam a affirmé que le « clan » Kadhafi se battrait jusqu’au « dernier homme et à la dernière femme » pour se maintenir au pouvoir.
La représsion a fait à ce jour 233 tués – essentiellement dans la ville de Benghazi, à l’ouest du plays, transformée en champ de bataille — selon un nouveau bilan de l’ONG Human Rights Watch. Inspirés par les exemples tunisien et égyptien, les insurgés ont indiqué qu’ils n’arrêteraient pas leur mouvement avant le départ du «Guide de la révolution » et la chute du régime établi il y a quarante-deux ans après la destitution du roi Idriss Senoussi.
Selon les analystes, une partie des officiers libyens – dont le sort est lié à celui de leur chef – resteront fidèles jusqu’au bout au colonel Kadhafi, qui peut aussi compter sur les tribus et sa famille élargie pour réduire la rébellion. L’armée libyenne – dont les unités ont été « atomisés » pour mieux en contrôler la chaîne de commandement – ressemble plus à une milice personnelle du « Guide » qu’à une armée classique, soulignent-ils. Un des fils de Kadhafi, Mootasssim, est aussi le conseiller de la sécurité de son père, et un autre, Khamis, dispose d’un haut commandement au sein de cette armée.
Confinée depuis le 15 février à l’est du pays, la révolte s’est étendue à l’ouest. Dans la capitale, Tripoli, les insurgés ont saccagé le siège d’une télévision et d'une radio publique, et incendié des postes de police et les locaux des « comités révolutionnaires », Al-Jamahariya 2, deuxième chaîne publique du pays, et la radio Al-Shababia (Jeunesse), qui avaient été lancées en 2008 par Seïf Al-Islam, avant d'être nationalisées, après la décision de leur fondateur de se retirer de la politique
Autre atout du régime : une manne de 200 milliards de dollars de réserves de change et des rentrées d’une cinquantaine de milliards dollars par an en provenance des hydrocarbures. Sa redistribution sur une grande échelle permettrait de racheter la paix civile. Depuis la levée des sanctions internationales contre le pays en 2004, la population libyenne a retrouvé progressivement le chemin de la consommation après des années de disette. Les villes fourmillent de nouvelles boutiques et les compagnies pétrolières étrangères, comme la britannique BP, l’italienne Eni et l’américaine Exxon Mobil, ont investi des milliards dans le pétrole libyen – dont les réserves sont parmi les plus importantes de la région.
Plusieurs partenaires de la Libye ont durçi le ton à l’égard du régime. La Grande-Bretagne a qualifié de « terrifiante » la répression, l’Union européenne a appelé à la fin des violences contre les insurgés, qui ont été condamnées aussi par les Etats-Unis. Leurs exhortations à plus de retenue et à l'ouverture d'un dialogue avec l'opposition pour aménager un calendrier de réformes ne semblent pas devoir être entendues dans l'immédiat.