Dans une déclaration télévisée particulièrement ferme, voire violente, le fils du colonel Kadhafi a mis le peuple libyen en garde contre la révolution, menacée de finir dans des flots de sang.
Retiré depuis 2008 de la politique, Seif Al Islam Kadhafi, fils du « Guide la Révolution » libyenne, a repris du service dimanche soir 20 février pour voler au secours de son père, le colonel Mouammar Kadhafi, confronté à un soulèvement sans précédent depuis qu’il a pris le pouvoir le 1er septembre 1969 en destituant le roi Idriss Senoussi.
A la télévision publique, à l’issue d’une sixième journée de répression particulièrement sanglante, alors que la révolte a gagné la capitale, Tripoli, Seif Al Islam a manié la carotte et le bâton en demandant aux Libyens de choisir entre le retour au calme et des réformes, ou des « rivières de sang et la guerre civile ».
“La Libye est à un carrefour. Soit nous nous entendons aujourd'hui sur des réformes, soit nous ne pleurerons pas 84 morts (chiffre officiel des victimes), mais des milliers et il y aura des rivières de sang dans toute la Libye", a déclaré Seïf Al-Islam, raide dans son costume et cravate, carré dans un fauteuil, fixant la caméra. Il a agité l’épouvantail de la guerre civile de 1936, dont l’amer souvenir hante toujours la mémoire populaire libyenne.
« Je m'adresse à vous pour la dernière fois avant de recourir aux armes", a dit un Seif Al Islam menaçant, droit dans ses bottes. "Notre moral est au plus haut. Le leader Mouammar Kadhafi, ici à Tripoli, conduit la bataille. Nous le soutenons ainsi que nos forces armées (…) Nous ne lâcherons pas la Libye et nous combattrons jusqu'au dernier homme, jusqu'à la dernière femme et jusqu'à la dernière balle".
Dénonçant un « complot de l’étranger », le fils de Kadhafi a reconnu que plusieurs villes, dont Benghazi et Al-Baïda, dans l'est du pays, étaient la proie de violents combats et que les émeutiers s'étaient emparés d'armes militaires, d'où la crainte d'une "guerre civile". "L'armée aura le rôle essentiel pour le rétablissement de la sécurite", a-t-il annoncé.
Auparavant, des proches du colonel Kadhafi, enfermé depuis plusieurs jours dans un profond mutisme, avaient menacé les manifestants d’une « riposte foudroyante ».
Seif Al Islam est resté peu disert sur les réformes qu’il envisage, se contentant d’annoncer une « deuxième Jamahirya », le fameux « Etat des masses » inventé par le colonel Kadhafi en 1977 pour se démarquer des autres formes d’Etat dans le monde, qu’il jugeait anti-démocratiques, et qu’il a expliqué dans son célèbre "Livre vert" qui résume sa philosophie politique. Seif Al Islam a annoncé une réunion prochaine du Congrès général du peuple (Parlement) pour décider d'un nouveau code pénal et de nouvelles lois ouvrant "des perspectives de liberté" pour la presse et la société civile, et le lancement d'un dialogue pour l’élaboration d’une Constitution – la première depuis l’arrivée de son père au pouvoir. "Si vous voulez qu'on change le drapeau et l'hymne national, on le fera", a-t-il également lancé
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Selon Human Rights Watch, la répression, a fait au moins 179 morts depuis le début du soulèvement, le 15 février. D’autres bilans de sources humanitaires font état de plus de 200 morts et de plusieurs centaines de blessés. La plupart des victimes ont été tuées à Benghazi, principal foyer de la révolte, à 1 000 km à l'est de Tripoli.
Seïf Al-Islam conduisait un courant réformateur, réclamant la fin de « l‘ Etat des masses » et le retour à des institutions représentatives plus classiques. Il avait dû battre en retraite en 2008 sous la pression des caciques du régime, clients et soutiens du colonel Kadhafi.