Est-ce le dernier quart d’heure du long règne de Hosni Moubarak qui, malgré des manifestations monstres réclamant son départ depuis onze jours, continue à s’accrocher au pouvoir ? Un « Comité de sages » regroupant des politiques, des hommes d’affaires et des intellectuels non liés directement au pouvoir doit lui proposer dans la matinée une sortie préservant sa dignité de vieux chef militaire, selon des informations circulant parmi les manifestants de la Place Tahrir au Caire. Il pourrait ainsi annoncer qu’il se retire pour un « congé illimité » pour des raisons de santé. Agé de 82 ans, le vieux « rais » vient en effet de subir des interventions chirurgicales délicates en Allemagne, peu avant la tempête politique qui a déferlé sur son pays. Alors que les jeunes manifestants du « mouvement du 6 avril » à l’origine des protestations, commencent à s’impatienter après deux vendredis de sit-in sur la Place Tahrir (le « vendredi de la colère » et le « vendredi du départ »), Américains et Européens – créanciers et donateurs principaux de l’Egypte – accentuent la pression sur le pouvoir pour que s’amorce la transition vers un régime démocratique. Le schéma sur lequel travaillent l’armée égyptienne et ses interlocuteurs américains tourne autour de l’installation officielle à la Présidence du vice-président Omar Suleiman, l’homme ses services secrets, après le constat de vacation du pouvoir. Il annoncerait immédiatement la dissolution des deux chambres du Parlement, l’expurgation de la constitution des articles scélérats limitant dans les faits le droit des candidatures aux élections aux membres du parti au pouvoir, le PND, l’organisation sur ces nouvelles bases d’une élection présidentielle et d’élections législatives pluralistes. Le tout ne devant prendre plus de trois mois. Ce calendrier serré doit cependant être approuvé par l’armée, dont les chefs souhaitent qu’il soit prolongé jusqu’en septembre, échéance du mandat présidentiel en cours. Pour les officiers, il y va de « l’honneur » de leur institution qui gouverne l’Egypte depuis 1952 et qui continue à contrôler des pans entiers de l’économie égyptienne dans l’agriculture, l’industrie, le bâtiment, les travaux publics, le tourisme, l’immobilier. Les militaires d’active s’appuient sur plus de 300 000 membres de la réserve militaire, disséminés dans la plupart des secteurs économiques du pays. Les manœuvres de Washington sont surveillées de prés par Israël, qui n’a pas arrêté depuis le début du soulèvement populaire de mettre en garde son allié contre la « montée des islamistes », qui menace la paix israélo-égyptienne. « Israël risque d’être pris en tenailles entre un Iran déjà islamiste et une Egypte qui pourrait le devenir », craint un journal israélien proche du pouvoir. Principale formation d’opposition, les Frères Musulmans restent pour l’instant fort discrets. Leur porte-parole Issam el-Ariane a affirmé dans une déclaration à des télévisions arabes : « Nous ne demandons pas le pouvoir, mais nous sommes pour les mêmes réformes démocratiques réclamées par les jeunes du "mouvement du 6 avril" ».