Algérie À Oran, les producteurs de gaz ont posé un principe d’avenir : réaliser la parité des tarifs du gaz, qu’il soit liquide ou gazeux.
Pour le ministre algérien de l’Énergie et des Mines, Chakib Khelil, la Conférence internationale sur le gaz naturel liquide d'Oran – tenue malgré le nuage volcanique qui voilait les cieux d’Europe et d’Afrique et bloquait les aéroports européens – n’aura pas été vaine. Les onze membres du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG), confrontés à une bulle gazière sans précédent, ont posé un principe fondamental : aller à terme vers la parité des prix du gaz, qu’il soit liquide ou gazeux, en agissant s’il le faut sur la production.
C’était la stratégie que le ministre leur proposait pour contrer la spéculation sur le gaz naturel liquide (GNL), maillon faible de la chaîne, à la faveur de l'expansion du gaz non conventionnel dans l'offre mondiale. Objectif : couper l’herbe sous le pied des spéculateurs et assurer la stabilité des prix.
En 2009, la demande mondiale de gaz a baissé de 5 % et la tendance baissière risque de se prolonger. Chakib Khelil a exprimé de lourdes préoccupations à ce sujet. La demande gazière sera en 2013 à son niveau de 2008, alors que l’offre, notamment de GNL, est devenue surabondante, prévoit-il.
Catastrophe évitée
La crise financière internationale et ses prolongements économiques en cours sont passés par là. Mais pas seulement. Le marché mondial du gaz est en effet en pleine mutation depuis que les États-Unis sont parvenus à exploiter un nouveau filon : le gaz de schiste. Il s’agit d’un gaz non conventionnel résultant de la décomposition par des bactéries de la matière organique enserrée dans des schistes faiblement poreux. On en connaissait l'existence, mais on ne pouvait pas jusque-là l'exploiter.
Dans l'immédiat, son intrusion s'est traduite par la réduction de la demande américaine de GNL, l'une des plus importantes du monde. En 2009, les États-Unis sont ainsi devenus le premier producteur mondial de gaz naturel devant la Russie. Le gaz non conventionnel, qui représente déjà 20 % de leur production, pourrait monter jusqu'à 50 % d’ici à vingt ans, selon les experts. Des projets de stations de regazification lancés avant ces découvertes pour recevoir le GNL importé ont été d’ores et déjà abandonnés.
Les pays consommateurs étaient tentés de revoir à la baisse les prix du gaz, prenant le risque de ruiner les investissements fort coûteux en gazoducs consentis par leurs fournisseurs pour assurer leur approvisionnement. Cette stratégie de billard à plusieurs bandes cherchait à tirer profit de l’effondrement du GNL pour peser sur les prix du gaz « gazeux » des gazoducs, fixés sur une longue période et indexés sur les prix du pétrole. L'entrée dans l’arène du gaz non conventionnel ouvrait à ces spéculateurs un large boulevard. Il fallait le boucher coûte que coûte. Mené par l'Algérie, le FPEG, a fait le premier pas, celui qui coûte le plus, même si sa contre-attaque reste à affiner.
Il était temps. Le million de BTU de GNL s'est effondré à 4 dollars, contre 12 à 14 dollars selon la formule convenue pour la formation de ce prix (15 % du prix moyen du pétrole). En réagissant rapidement, le FPEG, créé en 2001 à Téhéran, dont cinq des membres (Algérie, Iran, Qatar, Russie, Venezuela) disposent des trois quarts des réserves et assurent 42 % de la production mondiale de gaz, a conjuré la catastrophe annoncée. Mais c’est aussi aux prémices de la création d’une « Opep du gaz » auxquels on a assisté à Oran, au moment où les consommateurs européens réfléchissent à haute voix à la mise en place d'une « centrale d'achat » de gaz pour conforter leur pouvoir de négociation sur un marché dépressif.