L’intervention de l’Otan a ses limites, celles fixées par les moyens aériens eux-mêmes. Le champ est libre pour la diplomatie et la politique, qui devraient permettre de trouver une solution à moyen terme.
Ce qui était prévu au départ comme une simple promenade de santé pour Nicolas Sarkozy, conseillé par Bernard Henri-Lévy : l’expédition libyenne, tourne au cauchemar. Risque d’enlisement, de « somalisation », de création d’un vaste champ de manoeuvres et d’un tremplin inespéré pour l’Aqmi, et danger de déstabilisation de la Tunisie encore convalescente.
En visite à Londres, le président américain Barack Obama, qui a très vite pris ses distances vis-à-vis de cette aventure, confiant sa conduite à l’Otan, n’a pas changé de position, même s’il s’est engagé avec ses « alliés » français et britanniques, « à maintenir la pression militaire sur le régime libyen », tout en reconnaissant « les limites inhérentes » aux frappes aériennes de l'Otan.?Devant son hôte, le Premier ministre britannique David Cameron, a expliqué que gagner la bataille contre Kadhafi serait « un processus lent », car « dès lors que vous excluez le recours aux forces au sol, vous êtes confrontés à des limites ».?Plus de deux mois après le début de l'intervention militaire internationale, le 19 mars, et le refus persistant du dirigeant libyen de quitter le pouvoir, M. Obama a ajouté que « l'opposition libyenne qui est sur le terrain devra prendre ses responsabilités ».?
Cameron, un va-t’en guerre comme son homologue français Nicolas Sarkozy, n’a pas dû apprécier.
Alors que le président américain s’est contenté de dire que « nous continuerons les frappes jusqu'à ce que les attaques de Kadhafi contre les population civiles cessent », ce qui exclut un changement de régime, que la résolution 1973 ne prévoit pas, David Cameron a renchéri en déclarant qu’il « est impossible d'imaginer un futur pour la Libye avec Kadhafi au pouvoir, il doit partir ».
Cette divergence de vue est-elle annonciatrice d’un changement de cap prévoyant une sortie politique ?
La Russie y travaille, comme l’Union africaine. L’Onu, à travers son secrétaire général Ban Ki-moon, s’y met aussi. Celui-ci vient ainsi de lancer un appel aux autorités libyennes pour un « vrai cessez-le-feu » et des « négociations sérieuses » sur une transition politique, affirmant avoir discuté « longuement » la veille avec le Premier ministre libyen Al-Baghdadi Ali Al-Mahmoudi.?
Selon le quotidien britannique The Independent, le chef du gouvernement libyen s'apprêterait à envoyer un message à plusieurs dirigeants occidentaux pour leur proposer un cessez-le-feu immédiat sous contrôle de l'ONU. Selon une lettre dont le journal affirme avoir pris connaissance, le régime du colonel Mouammar Kadhafi est prêt à entamer des pourparlers sans conditions avec les rebelles, déclarer une amnistie et discuter d'une nouvelle constitution. « La future Libye sera radicalement différente à celle qui existait il y a trois mois », affirme Baghdadi Mahmoudi dans la lettre dont le quotidien publie des extraits. « Cela a toujours été notre projet. Mais maintenant nous devons accélérer le processus », ajoute-t-il.?? « Mais pour ce faire, nous devons mettre fin aux combats, commencer à discuter, nous entendre sur une nouvelle constitution et créer un système de gouvernement qui reflète la réalité de notre société et soit à la fois conforme aux exigences d'une gouvernance moderne ».
C’est dans ce contexte que le chef de l’Etat sud-africain, Jacob Zuma, dont le pays a voté la résolution 1973 avant de le regretter, « s’arrêtera le 30 mai à Tripoli pour discuter avec le leader libyen Mouammar al Kadhafi, en tant que membre du panel de haut niveau de l’Union africaine (UA) pour la résolution du conflit libyen », souligne un communiqué de la présidence sud-africaine. L’Afrique du sud semble également associer la Turquie à ces efforts.
Rappelons que Jacob Zuma s’était déjà rendu à Tripoli le 10 avril avec une délégation de haut niveau de l’Union africaine pour négocier une trêve entre le leader libyen et les rebelles. Ces derniers ont refusé la trêve, réclamant avant tout le départ du dirigeant libyen. La nouvelle initiative diplomatique de Pretoria intervient alors que l’OTAN a intensifié ses bombardements sur Tripoli dans le but de porter le coup décisif au régime. Mais en attendant cette mission de Zuma, le sommet extraordinaire de l’Union africaine, consacré à la Libye, s’est ouvert le 24 mai à Addis-Abeba, et les débats seront axés sur les moyens permettant de mettre fin au conflit dans ce pays. A l’ouverture du sommet, le président de la commission de l’UA, Jean Ping, s’est dit convaincu que « seule une solution politique peut apporter une paix durable et satisfaire les aspirations légitimes du peuple libyen à un destin choisi dans la liberté, la démocratie et l’Etat de droit ». L’UA tente depuis des semaines de trouver une solution politique sur la base de la feuille de route adoptée le 10 mars dernier par le comité ad hoc de haut niveau sur la Libye.
Des chefs d’Etat ou représentants de haut niveau de l’Ouganda, de la République du Congo, du Mali et de l’Afrique du Sud participent à cette réunion, présidée par le chef de l’Etat mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz. Les travaux de cette réunion, qui se tiennent à huis clos, seront suivis d’un mini-sommet de l’UA sur la sécurité en Afrique.