Le transfert des pouvoirs de commandement a provoqué un vide dans les bombardements aériens, mis à profit par les troupes de Kadhafi pour reprendre le terminal pétrolier de Ras Lanouf.
L’Alliance atlantique (Otan) a pris officiellement jeudi 31 mars le commandement des opérations en Libye sous le nom de code « Protecteur unifié ». La responsabilité des bombardements, jusque-là assumée par la coalition menée par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, est placée sous l'autorité du grand quartier général allié en Europe, à Mons (sud de la Belgique). L’opération est dirigée du centre régional de commandement de l'Otan à Naples (sud de l'Italie) par le général canadien Charles Bouchard.
L’entrée en lice de l’Otan intervient alors que les insurgés, mal équipés et mal organisés, ont essuyé plusieurs revers, les 29 et 30 mars. Ils ont dû notamment abandonner la base pétrolière de Ras Lanouf –qu'ils avaient reprise la veille – aux unités de Kadhafi, qui ont ainsi pleinement profité de l’arrêt momentané des frappes aériennes alliées dû au transfert de commandement sur le terrain.
La reprise des frappes aériennes occidentales pourrait de nouveau favoriser la progression des insurgés vers leur objectif ultime : Tripoli. Ils avaient bien profité de la première vague pour desserer l'étau autour de plusieurs villes de la côte, menacées par les troupes régulières.
Le recours à l’Otan avait été promis au Congrès par le président Barack Obama, qui avait indiqué que l’intervention américaine en Libye serait limitée en coûts et en objectifs, et qu’aucun pilote américain ne survolerait plus ce pays aussitôt que l’Alliance atlantique aura pris les choses en mains.
Barack Obama a en même temps autorisé les services américains à effectuer des opérations secrètes au sol en Libye. On ignore la nature de ces opérations et leur ampleur.
Kadhafi a pour sa part perdu un collaborateur et un soutien de choix : Moussa Koussa, ministre des Affaires étrangères en exercice,et ancien chef des renseignements pendant quinze ans. Sous la couverture d’une « mission » en Tunisie, cet homme de l’ombre a emprunté un vol privé pour se réfugier à Londres, d'où il a annoncé sa démission. Il n’a pas indiqué s’il se ralliait à l’insurrection.
La Tunisie a sans aucun doute aidé à cette défection, au moins en fermant les yeux sur l'escapade suspecte. Quelques heures plus tôt, Tunis avait annoncé le gel des avoirs libyen dans le pays – soit plusieurs centaines de millions de dollars investis notamment dans le tourisme. Le Premier ministre tunisien de transition, Béji Caïd Essebsi, a indiqué dans un entretien avec les télévisions tunisiennes, que cette décision était conforme à la doctrine diplomatique tunisienne de respect de la légalité internationale.
La défection de Moussa Koussa est un coup dur pour le « système » Kadhafi. Les alliés qui l’ont pris en main à Londres vont le débriefer sur le fonctionnement de ces « système » opaques faits d’allégeances tribales et personnelles, dont il est le meilleur connaisseur après Kadhadi. Il sera aussi sollicité pour rallier d’autres personnalités de la même pointure à la cause des insurgés et de précipiter ainsi le délitement du pouvoir du « Guide ».