Brève histoire de ce parti politique dont l’ancêtre, le Néo-Destour, a accompagné la Tunisie depuis son indépendance.
L’ancien parti majoritaire, le Rassemblement constitutionnel démocratique, un parti-état qui, sous diverses appellations, dominait la vie politique tunisienne depuis l’indépendance du pays en 1956, a été dissous par le tribunal de première instance de Tunis, en l’absence de ses avocats.
Ces derniers avaient été houspillés par leurs collègues de la partie adverse et par le public lors de l’audience précédente, le 2 mars.
Le RCD peut interjeter appel, mais cette procédure n’est pas suspensive.
L’annonce de la décision de dissolution a été accueillie par l’hymne national tunisien entonné par l’assistance et des « you you » de joie. Certains ont scandé des slogans tel que "RCD dégage!", "Tunisie libre!", "Martyrs, nous poursuivrons la lutte".
Le RCD se donnait pour l’héritier du Parti Libéral Constitutionnel (plus connu sous le nom de Néo-Destour), crée le 8 mars 1934, il y a donc soixante dix-sept ans presque jour pour jour, par Habib Bourguiba pour conduire la lutte pour l’indépendance du pays.
Le Néo-Destour se situait alors en rupture avec le premier parti nationaliste tunisien – appelé dès lors d’Archéo-Destour. Il a connu une première transformation en 1964, sous le nom de Parti Socialiste Destourien (PSD) lors d’une brève tentative d’instaurer le socialisme en Tunisie.
Sans être unique, il dominait la vie politique tunisienne de la tête et des pieds. Parti de masse, il était un instrument efficace d’encadrement et de mobilisation de la population et faisait corps avec son fondateur, le « zaïm» Habib Bourguiba.
Après le « coup d’État médical » qui a permis au président déchu Zine el Abidine Ben Ali de destituer le président Bourguiba pour « raisons de santé » en novembre 1987, le parti, purgé des « bourguibistes », a été reconduit sous le nouveau nom de Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) et mis au service exclusif du nouveau régime.
A son apogée, le RCD, devenu tentaculaire, revendiquait deux millions d’adhérents pour une population de onze millions d’habitants. Il disposait d’une quinzaine de milliers de fonctionnaires, installés pour une partie dans une tour en verre de l’avenue Mohammed V, au centre de Tunis. Elle a été une des premières cibles symboliques des manifestations après la fuite de Ben Ali, le 14 janvier. Ces fonctionnaires étaient tous à la charge du budget de l’État. Le RCD s’est aussi approprié de très nombreux locaux du domaine public qui lui servaient de bureaux et de permanences.
La plupart des fonctionnaires devaient y adhérer – volontairement ou sous la contrainte – pour assurer leur carrière. Il en était de même de très nombreux chefs d’entreprises, qui devaient lui payer leur "dime", au risque de voir leurs affaires entravées ou même bloquées.
D’anciens ministres de Ben Ali ont annoncé leur intention de reconstituer – en reprenant son nom d’origine de Néo-Destour – ce parti, dont la dissolution laisse un vide politique dans le pays, au moment où ce dernier aspire au pluralisme démocratique.
Pour de nombreux militants destouriens, le Néo-Destour reste indissociable de l’histoire contemporaine de la Tunisie et de sa longue lutte pour l’indépendance nationale.