Organisée autour des thèmes des masques, de l’ancêtre fondateur et des femmes, l’exposition du musée du quai Branly, à Paris, présente des pièces rares dévoilant un pan de la civilisation d’Afrique centrale.
Laissez-vous aller au fil du fleuve Congo, le temps d’une époustouflante visite au musée du quai Branly. Celui-ci propose en effet une grande exposition consacrée aux arts d’Afrique centrale (1). Plus de 170 œuvres rares, issues de collections publiques et privées, racontent l’histoire culturelle de la région, recouvrant six pays : le Cameroun méridional, la Guinée équatoriale, le Gabon, le Congo-Brazzaville, le Congo-Kinshasa et une partie de l’Angola. « Deux grandes aires géographiques se répartissent autour du fleuve Congo qui sert de frontière entre les différentes sociétés vivant de part et d’autre de ses rives », précise l’ethnologue François Neyt, commissaire de l’exposition. Un vaste espace dans lequel cohabitent plusieurs peuples de langue bantoue (les Lega, les Boyo-Bembe, les Mahongwe, les Kota, les Fang, les Tsogho) avec des traditions culturelles diverses (la distinction
forêt / savane est fondamentale) mais qui partagent la même origine.
C’est en tout cas la thèse défendue par François Neyt, qui s’appuie notamment sur la linguistique : « Les langues bantoues, encore parlées de nos jours au Nigeria dans la région de la Benoué, offrent un point de départ qui remonte à plus de 3000 ans. » Surtout, l’ethnologue met en évidence la même vitalité artistique et la permanence de certaines représentations et types d’objets, n’hésitant pas à rapprocher des styles sculpturaux a priori très éloignés. « Les trois thèmes de l’exposition, fondamentaux dans la vie de ces peuples iconophiles, sont complémentaires : présence des masques assurant dans des célébrations collectives l’unité et l’identité des groupes respectifs ; importance de l’ancêtre fondateur et des membres éminents de son lignage ; présence forte de la femme dans différentes institutions, équilibrant l’autorité des hommes, liée au mystère de la régénération de la terre, de l’agriculture, de la vie humaine », souligne-t-il.
Un imaginaire unique
Un véritable voyage initiatique au cours duquel, vitrine après vitrine, le visiteur se laisse envoûter par la beauté plastique d’œuvres parfois inquiétantes : masques en forme de cœur, reliques (crânes, os, mâchoires…) conservées dans des coffrets, boîtes ou paniers, statues d’ancêtres, sculptures féminines, autant d’objets investis de pouvoirs magico-religieux. Certaines variations locales dans les formes et les couleurs viennent affirmer l’identité propre des différentes ethnies. Mais les correspondances liées notamment à des signes corporels semblables (dents limées, scarifications, teintures blanche, rouge et noire) ou à des rites identiques (funérailles, intronisation de chefs et de rois…) contribuent à faire émerger cet imaginaire unique des peuples bantous d’Afrique centrale. Ces arts qui, au début du xxe siècle, ont fasciné les artistes – tels Picasso, Derain, Braque… – et les collectionneurs sont désormais à portée de vue.
(1) Exposition « Fleuve Congo. Arts d’Afrique centrale »,
musée du quai Branly,
Paris, jusqu’au 3 octobre
2010. Catalogue aux Éditions
du quai Branly/Fonds Mercator, 400 p., 300 illustrations,
60 euros.