Le début est quelque peu trompeur. Dans les intervalles d’ambiances surchauffées par les animations des atalaku (1) et la rythmique endiablée façon ndombolo (2), Pierrette Adams, l’ancienne hôtesse d’Air Afrique, plaque sa voix câline pour décliner en douceur ses refrains au milieu d’atmosphères euphorisantes. Mère Z (7e Jour/Pad) titre du dernier album de la vedette congolaise, tiré du sobriquet dont son public l’affabule, est pourtant l’exception qui ne confirme pas la règle : celle d’une artiste vouée surtout à un jeu de scène spectaculaire, avec danseurs aux costumes éblouissants, tempo de transe et groove imparable à la kinoise.
À l’écoute de la deuxième plage, l’interprétation en créole capverdien dévoile déjà d’autres intentions. Le tempo s’apaise et la chanteuse prend son temps. On découvre une vocaliste au souffle raffiné, et les suaves mélodies de la rumba des deux rives reprennent leurs droits dans la nonchalance des airs chaloupés.
Certes, la mue se fait sans déchirements et, dans l’ensemble, on retrouve le même répertoire qui a fait la célébrité de la jeune femme depuis l’époque de son premier tube abidjanais (Journal intime, Sonodisc, 1994) consacré à l’histoire tragique d’un enfant battu. Zouk des Antilles et coupé-décalé sont aussi au menu, signe d’une vocation afro-caribéenne qui lui a apporté une assise internationale.
Néanmoins, la métamorphose est en acte. À l’approche de la maturité artistique, celle qui fut l’une des stars attitrées de la scène ivoirienne jusqu’en 2002 veut prouver à ses fans mais aussi à elle-même que la voix est un art et que Pierrette Adams est une vraie chanteuse.
« J’ai ressenti le besoin de faire quelque chose de plus cool, nous explique-t-elle en sirotant un chocolat chaud dans un bar du 13e arrondissement, à Paris, où elle réside après vingt ans passés sur la lagune ebrié, à Abidjan. J’ai envie maintenant de chanter vraiment et de faire de la scène d’une manière différente. D’ailleurs, c’est mon public qui me demande des chansons plus calmes. Cet album est une tentative de faire le contraire de ce que j’ai réalisé jusque-là, ce qui apporte forcément des changements dans les chorégraphies des concerts. Et au niveau des textes et des compositions, j’ai surtout travaillé sur le style musical. »
Un virage qui se manifeste également sur le plan symbolique : à la huitième plage, Pierrette rend un hommage retentissant à sa consœur disparue, la chanteuse congolaise Mpongo Love. Suave, la mélopée fluviale berce et enchante. Un slow qui ondule et évoque, avec le souvenir attendrissant de la dame de Boma (3), l’ancien répertoire mélodique de la rumba, des tubes comme « Marie-Chantal », « Dis moninga » ou « Nella negrita ». La chanson d’Afrique centrale aurait-elle trouvé sa nouvelle sirène ?
(1) Chanteurs-ambianceurs typiques des orchestres congolais des trois dernières décennies.
(2) Dernier rejeton musical de la rumba.
(3) Ville natale de Mpongo Love, dans l’ouest de la République démocratique du Congo.