Ce n’est qu’en 1995, deux années après les États-Unis, qu’Israël établit des relations diplomatiques avec l’Angola indépendant. Pendant la guerre anticoloniale, dans le sillage de Washington, Tel-Aviv avait entrepris d’aider militairement le Front de libération de l’Angola de Holden Roberto, ouvertement hostile au MPLA d’Agostinho Neto. Pendant la transition, à l’indépendance, le FNLA, avec l’aide du Zaïre et de l’Afrique du Sud, avait tenté de prendre le pouvoir par les armes, en écartant le MPLA et le gouvernement intérimaire. En vain.
Le froid (réciproque) avec Tel-Aviv a duré près de vingt ans. Le réchauffement a coïncidé avec la difficile période post-électorale de 1992, alors que le gouvernement du MPLA, bien que légitimé par les urnes, s’est trouvé en grande difficulté sur le plan militaire, face à l’ancienne rébellion de l’Unita qui avait feint de se démilitariser. C’est dans ces circonstances que Tel-Aviv a accepté de vendre du matériel militaire à l’Angola, relativement isolé à l’époque, et dont les relations avec la Russie d’Eltsine s’étaient détériorées. En 1995, la nomination d’un ambassadeur par Isaac Rabin, en la personne de Tamar Golan (1995-2002), est à l’origine d’un tournant décisif dans les relations entre les deux pays. Cette ancienne journaliste spécialiste de l’Afrique, qu’elle a sillonnée des décennies durant, tissera des relations chaleureuses avec plusieurs personnalités angolaises et suivra de près les dernières années du conflit armé avec l’Unita.
Cette relation privilégiée ouvrira indirectement les portes au business des entreprises israéliennes en Angola, et notamment celles liées à l’exploitation et à la commercialisation des diamants de Lev Leviev, par ailleurs un proche, à l’époque, de Arcadi Gaydamak, le Franco-Russe-Israélien acteur clé dans les négociations pour l’achat d’armement pour l’Angola dirigées en France par Pierre Falcone. Lev Leviev a une participation dans la mine de diamants de kimberlite de Catoca, à Lunda Norte (avec la société d’État Endiama, la brésilienne Odebrecht et la russe Alrosa, dont les ventes en 2009 ont été de 130 millions de dollars). Plus significativement, il fait partie du consortium Ascorp, entreprise mixte chargée de la commercialisation des diamants, canal obligé, jusqu’à très récemment, pour l’exportation de la production des sociétés établies en Angola (des ventes d’environ 1,2 milliard de dollars en 2011). Israël étant aujourd’hui une des plaques tournantes mondiales de la coupe des diamants, c’est dans ce pays qu’échoue une partie – on ne connaît pas l’exacte proportion – de la production angolaise.
Tamar Golan s’est davantage intéressée aux questions agricoles, en facilitant la venue du LR Group, qui a pris en main un vaste projet étatique de création d’un pôle de développement agricole et agro-industriel baptisé « Aldeia Nova » (nouveau village), à Waku Kungo, dans la région de Kwanza Sud. Partiellement inspiré du modèle du kibboutz, sa mise en œuvre, en 2005, avait coûté environ 250 millions de dollars. En dépit de quelques déboires – prix non compétitifs de la production, écoulement difficile, etc. –, ce modèle devrait se reproduire ailleurs dans le pays, toujours financé par le gouvernement angolais, alors que l’Aldeia Nova de Waku Kungo vient d’être privatisée au profit d’un partenariat angolo-israélien.
Si la collaboration militaire a perdu de son importance stratégique – l’armée angolaise se ravitaille sur le marché mondial, aussi bien celui des anciens pays de l’Est européen qu’en Occident –, Israël a fait ici, comme dans de nombreux pays africains, une percée dans le domaine de la sécurité présidentielle. Bien que très discrète, la présence de spécialistes israéliens en ce domaine a été signalée par plusieurs observateurs angolais.