L’élimination de l’incontrôlable IB, ancien putschiste et vrai combattant, ne fait pas que des malheureux au sein du pouvoir.
La rivalité qui opposait depuis le déclenchement de la rébellion armée ivoirienne de septembre 2002 le sergent-chef Ibrahim Coulibaly (alias IB), putschiste tombeur de l'ancien président Henri Konan Bédié (en décembre 1999) et l'actuel chef de la rébellion muée en Forces nouvelles puis en forces républicaines, s'est dramatiquement achevée le 27 avril avec l'élimination d'IB par les Forces républicaines de Côte d'Ivoire conduites par un ancien compagnon d'armes, le commandant Chérif Ousmane. La conséquence directe de cette liquidation d'IB en est que désormais, au sein de l'ancienne rébellion, il n'y a plus de querelle de leadership qui puisse entacher l'autorité de l'unique chef, Soro Guillaume, Premier ministre et ministre de la Défense. Les violents affrontements et les règlements de compte qui avaient éclaté au grand jour en 2004 entre frères d'armes devenus ennemis au sujet de la paternité du mouvement rebelle d'alors, provoquant la chasse aux pro-IB et l'exil de ce dernier, ont donc connu leur épilogue le 27 avril.
Dans le camp Soro , principal bénéficiaire de la disparition de ce putschiste invétéré qui fit tomber le pouvoir de Konan Bédié alors décidé à faire la peau à Ouattara, l'on réfute évidemment la thèse du règlement de compte. L'un des fidèles de Soro, le commandant Issiaka Ouattara dit Wattao a ainsi indiqué : « Ce n’est pas un règlement de comptes. Le Premier ministre Soro Guillaume n’est pas un criminel pour nous donner l’ordre de le tuer. On voulait l’attraper vivant, mais il ne voulait pas se rendre. Il traumatisait les populations de PK 18 et d’Anyama. Le Président Alassane Ouattara a été élu et nous ne voulions plus de tirs par-ci et par-là ».
Comment IB a-t-il été tué? Les versions divergent et au moins deux sont en circulation à Abidjan. la première, donnée par le camp des tombeurs d'IB veut que ce dernier ait refusé de se rendre aux soldats "républicains" venus le chercher dans son QG d'Abobo, préférant ouvrir le feu sur ces derniers, lesquels auraient alors riposté, laissant sept corps sur le carreau, dont celui du sergent-chef autoproclamé général trois étoiles. Cette version très officielle, écrite par les vainqueurs, fait face à une autre, selon laquelle face au feu nourri des forces d'en face et sentant le rapport de forces disproportionné, IB et les siens auraient décidé de se rendre et seraient sortis de leur cachette, drapeau blanc de reddition en main, mais auraient été aussitôt canardés par les poursuivants. Qui croire?
Une chose est sûre : IB ne fera plus le coup d'Etat contre Alassane Ouattara dont l'a accusé Wattao, l'homme de confiance de Soro, sur les antennes d'une radio internationale. L'heure est, désormais, à la démolition méthodique du mythe IB qui plane dans les esprits ivoiriens depuis le coup d'Etat de décembre 1999 qui avait déchu Bédié et permis à Alassane Ouattara, alors sous mandat d'arrêt bédiéiste pour "faux et usage de faux", de rentrer en Côte d'Ivoire pour reprendre son combat politique. Celui qui avait risqué sa vie pour mettre un terme à l'injustice faite à Ouattara est à présent accusé d'avoir voulu fomenter un énième putsch, cette fois contre le nouveau président de la République qu'il appelait pourtant "mon père". Pour noircir davantage l'image de cet homme craint et recherché par tous les pouvoirs successifs en Côte d'Ivoire depuis une décennie, on l'accuse désormais d'avoir partie liée avec certains officiers pro-Gbagbo. Ensuite de n'être qu'un usurpateur se disant chef du "commando invisible" alors que ce fameux commando qui a harcelé le régime Gbagbo jusqu'à sa chute lui aurait préexisté.
Le personnage, il est vrai, était parfois controversé. Mais, son élimination, si elle a mis un terme (provisoire?) à la guerre de leadership au sein des anciens rebelles, n'a fait qu'aggraver les craintes des Ivoiriens au sujet des comportements futurs des forces hétéroclites qui ont permis à Alassane Ouattara de retrouver son fauteuil présidentiel confisqué par le mauvais perdant Laurent Gbagbo. Après IB, à qui le tour ?