Il aura fallu plus de trois ans au Zimbabwe pour parvenir à un accord sur le texte d’une nouvelle Constitution préalable à la tenue d’élections générales. Avec, en vue, la fin de la cohabitation forcée depuis 2009 entre le président Robert Mugabe, Zanu-PF, 88 ans (au pouvoir depuis trente-deux ans), et le premier ministre Morgan Tsvangirai, leader du Mouvement pour le changement démocratique (MDC). Le compromis, « bancal » pour certains analystes, a été soumis le 16 mars dernier à l’approbation des citoyens. Il permet à Robert Mugabe de se représenter, mais les mandats présidentiels sont réduits à deux à l’avenir, avec une durée totale de dix ans maximum, sans limites d’âge. La peine de mort est maintenue pour les hommes seulement, le mariage homosexuel n’est pas autorisé. Le texte prévoit également l’indemnisation des fermiers « blancs » dépossédés de leurs terres par la réforme agraire au début des années 1980, tout en garantissant les droits de propriété des nouveaux exploitants (« Noirs » zimbabwéens).
L’adoption d’une nouvelle Constitution figurait dans les accords de 2008. « Nous avons eu le même président depuis 1980, la plupart des gens pensent que c’est la principale faiblesse du pays », a déclaré le ministre des Affaires constitutionnelles pro-Tsvangirai, Eric Matinengha, en présentant le texte.
Les deux principaux partis appelant les électeurs à approuver le texte, le résultat n’est donc pas l’enjeu de ce referendum, prélude au scrutin de juillet, beaucoup plus sensible. Bien que, selon la Commission électorale zimbabwéenne (ZEC), il ait été précipité, les dates imposées par Mugabe ont été acceptées par l’opposition. « Ceux qui n’ont pas encore décidé de leur vote ne le feront jamais », a déclaré Morgan Tsvangirai, insistant sur le fait que les électeurs suivront généralement les consignes de leur parti. Ce premier exercice électoral permettra, en tout cas, d’évaluer la capacité du pays à organiser un scrutin libre et démocratique, sans fraude et fiable. Et, dans le cas contraire, à rectifier les erreurs et les manquements avant juillet.
Les difficultés n’ont pas manqué. La Commission électorale a dû diminuer son budget pour les deux exercices de 220 millions de dollars américains à 85 millions. Robert Mugabe a refusé la présence d’observateurs internationaux, du coup, le gouvernement s’est vu privé de fonds. Il a dû taxer des sociétés comme Econet Wireless, Mbada Diamonds et Anjin Investments de 60 millions, auxquels il a ajouté un budget sur fonds publics de 25 millions.
Le referendum s’est déroulé alors que des millions de citoyens n’ont pu disposer du texte. Les registres électoraux ont été contestés par le MDC qui demande leur « nettoyage ». Contrôlés par Tobaiwa Mudede, un allié du président Mugabe, ils contiennent des irrégularités. Selon Tendai Biti, secrétaire général du MDC et actuel ministre des Finances, deux tiers des inscrits sont morts. D’autre part, il a dénoncé avec son parti le fait que l’État ait déployé ses forces afin de « mobiliser les soldats et autres membres de la faction armée de l’État pour qu’ils s’inscrivent au détriment des citoyens ordinaires ». Des témoignages ont afflué des villages et districts affirmant, comme à Lupane, que seuls les détenteurs d’une carte de la Zanu-PF ont été autorisés à s’inscrire. Ailleurs, comme à Hwange et Manicaland, on aurait demandé deux dollars pour l’inscription. De manière générale, l’ouverture des bureaux d’inscription a été des plus fantaisistes ou bien l’information n’a pas été donnée correctement.
Pour l’opposition et Morgan Tsvangirai, les élections de juillet devraient marquer la fin du « règne Mugabe aux abois ». D’où la violence dont a été victime, entre autres, le jeune Christopher Maisiri, fils d’un représentant régional du MDC, tué dans un incendie volontaire. Une violence qui avait fait 200 victimes lors de la campagne électorale de 2008. Ailleurs, des réunions du MDC ont été interrompues par l’intervention des forces anti-émeutes. « Le Léopard [Mugabe] n’a pas changé de couleur », s’est exclamé Tsvangirai, s’adressant à ses partisans à Harare. Il leur a déclaré qu’il ne peut pas croire en la sincérité de Mugabe lorsque celui-ci appelle à des « élections pacifiques », une condition préalable de l’opposition, avec la transparence du scrutin, à son accord à la nouvelle Constitution. Des élections pacifiques et propres, c’est aussi ce que demande la communauté internationale pour lever les sanctions qui pèsent encore sur le pays. Là est le véritable enjeu de ces scrutins.