Une semaine après le retrait des rebelles du M23 de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), les dirigeants de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC) se sont réunis en sommet les 7 et 8 décembre à Maputo (Mozambique). En compagnie du chef d’État ougandais Yoweri Museveni, président de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), ils ont annoncé le déploiement d’une « force en attente » de 3 000 hommes. Elle sera placée sous les auspices de la Force neutre internationale (FIN) de la CIRGL, dont le principe de création avait été décidé en août 2012, et sera commandée par un officier tanzanien. Selon son président, Jakwaya Kitwete, la Tanzanie va déployer un bataillon de 800 hommes. L’Afrique du Sud compte apporter un soutien logistique à la Force neutre. Mais la SADC et la CIRGL cherchent des financements extérieurs. À la mi-décembre, Joey Bimha, ministre des Affaires étrangères du Zimbabwe, a annoncé la mise à disposition d’un bataillon pour la force en attente. Une question de semaines, a-t-il dit, optimiste.
La démarche de la SADC s’explique, car l’initiative de la CIRGL s’enlisait pour une raison compréhensible : on retrouve dans ce club les protagonistes de la crise, la RDC, mais aussi le Rwanda et l’Ouganda, décrits par Kinshasa comme les soutiens des rebelles du M23. Au-delà, l’instabilité chronique du Congo inquiète tous ses voisins. Cette fragilité permet par exemple aux rebelles des Forces de libération de l’enclave de Cabinda (Flec), en Angola, d’utiliser la région de Tshela, au Bas-Congo, comme base arrière. Le Kivu offre aussi un sanctuaire aux Forces démocratiques de libération du Rwanda, qui, ont encore mené des incursions meurtrières les 27 novembre et 2 décembre dernier au Rwanda, selon le journal français Libération. En outre, l’instabilité hypothèque les apports qu’attend le reste du continent du Congo. Comme pourvoyeur d’énergie si l’on pouvait développer le potentiel d’Inga, ou en tant que grenier capable, selon les agronomes, de nourrir un milliard d’habitants. Le pays s’enorgueillit d’une croissance du PIB de 7,2 % en 2012 et attend un nouveau bond à 8,4 % pour 2013, selon le Fonds monétaire international (FMI). Mais les indicateurs du développement humain restent désespérément faibles. De quoi susciter tensions et flux migratoires difficiles à gérer, vers les zones diamantifères des Lunda notamment.
En matière de gouvernance économique, les choses ne s’améliorent pas. Le FMI a annoncé le 30 novembre la suspension d’un programme de 240 millions de dollars en raison du non-respect par les autorités congolaises de leur engagement à publier les contrats miniers, pétroliers et forestiers. Le litige porte notamment sur la non-publication d’un contrat controversé concernant le bradage d’actifs miniers de la firme Gécamines, propriété de l’État, à une compagnie, appartenant à l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, proche du président Joseph Kabila. Le premier ministre, Augustin Matata Ponyo, a eu beau juger « disproportionnée » la décision du Fonds, celle-ci porte un coup dur à la crédibilité du régime, déjà entamée sur le plan politique par les élections frauduleuses de novembre 2011. Kabila en paie le prix : l’opposition, qui n’a pas de raison d’être solidaire, a refusé d’accompagner à Kampala les représentants du gouvernement pour négocier avec le M23. Dans ce contexte, le déploiement rapide de la force internationale aura peut-être le mérite de permettre à Kinshasa de ne pas négocier en position de trop grande faiblesse.
En tout cas, les négociations ont mal démarré. D’emblée, le 9 décembre, le gouvernement a menacé de quitter la table. Le lendemain, le M23 a boycotté la séance, accusant le gouvernement de violer les droits de l’homme et sa mauvaise gouvernance. Après quoi, réponse du berger à la bergère : le 11 décembre, Raymond Tshibanda, ministre congolais des Affaires étrangères, a prononcé un véritable réquisitoire contre les chefs du M23 à la « réputation bien établie d’avoir commis de graves violations des droits humains ». Au bout d’une semaine, les deux parties peinaient à s’entendre sur un ordre du jour. Les rebelles ont élargi leurs revendications à des questions politiques, économiques et juridiques nationales. Kinshasa ne veut discuter que de promotion, de grades et de position dans l’armée congolaise.
Plus le temps passe et plus s’érode la légitimité de Kinshasa. Le mandat des assemblées provinciales et du Sénat, dont les élections en 2007 n’ont pas été contestées, a expiré au premier semestre 2012. Et le calendrier annoncé en juin dernier par la très controversée Commission électorale nationale indépendante (Ceni), pour combler le vide juridique qui prévoit des élections provinciales le 25 février et les sénatoriales le 5 juin, ne pourra pas être exécuté dans les temps.