Significativement, le programme pour le prochain mandat du parti au pouvoir, le Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA) : « L’Angola croîtra davantage pour mieux distribuer », met l’accent sur le tournant nécessaire à introduire plus d’équité. Le fossé social qui s’est creusé ces dernières années peut causer la désaffection d’une partie de l’électorat du parti, notamment dans l’immense banlieue de la capitale, quotidiennement confrontée au luxe insolent qu’affichent certains quartiers de la métropole. Ailleurs, les progrès induits par les grands travaux, le désenclavement des principales régions agricoles, la réhabilitation des trois lignes de chemin de fer pour quelque 4 000 km au total, les nouveaux hôpitaux provinciaux, écoles et universités, entre autres, continueront sans doute de susciter la confiance de la majorité des votants dans le MPLA. La victoire écrasante que ce parti engrangeait en 2008 – lorsqu’il passait de 53,7 % des suffrages en 1992 à près de 82 % – était déjà le fruit de la reconnaissance de l’impact positif des grands travaux en cours, après les années de stagnation, voire d’abandon, qui ont marqué le long conflit armé. Mais également de la politique de réconciliation nationale qui a globalement apaisé les esprits au point de provoquer, en 2008, un renversement du vote dans les régions du haut plateau central traditionnellement acquises à l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita).
Pendant la campagne électorale, le MPLA a plus que jamais insisté sur le bilan de la reconstruction physique du pays, la modernisation des infrastructures économiques et sociales, les projets de réindustrialisation et de diversification économique, etc., ainsi que sur les progrès dans la réduction de la pauvreté (dont les chiffres sont cependant contestés par des analystes indépendants). Mais il a également misé sur son atout maître : « l’expérience ». Une défaite du MPLA provoquerait un arrêt des investissements et des projets en cours, rappellent ses responsables, un avis qu’expriment aussi plus ou moins ouvertement les milieux d’affaires nationaux et étrangers.
L’opposition, l’Unita en tête, se lamente des « progrès sociaux trop lents » et s’attaque bien sûr à la corruption en pointant l’entourage du président José Eduardo Dos Santos. Cela a l’effet d’irriter prodigieusement les dirigeants du MPLA, dont certains dérogent à la règle implicite de la politique de réconciliation nationale en rappelant publiquement les conséquences désastreuses pour le pays de la reprise du conflit armé par l’Unita après l’élection de 1992, et le retard que cela a entraîné dans le développement économique. L’Unita, pour sa part, écrit Gustavo Costa, directeur de l’hebdomadaire Novo Jornal, se réfugie dans une sorte de « négationnisme historique », d’« amnésie », « refusant toute autocritique des dérives du passé », comme de reconnaître que, après la défaite militaire de l’Unita, « le gouvernement n’a pas hésité à mettre en œuvre la politique de réconciliation ». « Admettre la responsabilité de ces événements douloureux, poursuit-il, ne pourrait que grandir l’image de l’Unita et arrêter son déclin. » Costa n’est pas pour autant condescendant à l’égard du pouvoir, qui devrait quant à lui « « assumer une de nos gangrènes : la “pornographique” corruption ! » – expression de l’écrivain angolais Pepetela.
Un autre intellectuel angolais, Fernando Pacheco, critique les tendances hégémoniques du pouvoir, signe du fait qu’il « n’aurait pas appris les leçons de l’Histoire ». L’absence d’ouverture et de véritable recherche de consensus préoccupe cette figure très engagée de la société civile, qui reconnaît cependant la faiblesse actuelle de l’opposition.