« Les mots irresponsables de lobbies comme Human Rights Watch ne sont pas moins dangereux que les balles ou les machettes. » Ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo réplique vertement aux déclarations de l’ONG américaine qui font état du soutien apporté par des militaires rwandais à la rébellion congolaise du M23. Fin mai, elle avait qualifié de « rumeurs fausses » les informations d’un rapport confidentiel de la Mission des Nations unies en République démocratique du Congo (Monusco) cité par la BBC : des recrues auraient été entraînées au pays des Mille Collines pour intégrer les rangs des insurgés, qu’ils auraient par la suite désertés… Interrogées par une commission mixte congolo-rwandaise, les prétendues recrues nient toute implication des autorités de Kigali. Dans le même temps, la Monusco s’est rétractée en démentant les allégations d’une connivence rwandaise avec les mutins, et des médias de la sous-région semblent plutôt croire à un coup monté par des officiers d’une l’armée loyaliste congolaise, en difficulté face aux rebelles.
Quelques jours plus tard, alors que les relations entre les deux capitales sont encore au beau fixe, Human Rights Watch (HRW) publie un communiqué dans lequel le Rwanda est à nouveau accusé d’avoir fourni un support logistique et en armement, plus quelques centaines de soldats aux troupes du M23. Fragile au niveau des éléments probatoires, et avec des affirmations considérées comme fantaisistes par un bon nombre d’analystes, le document ne semble pas dénué d’arrière-pensées : on y entretient la confusion sur la nature de la rébellion, réduite à un phénomène communautaire, et sur le rôle de Bosco Ntaganda. Recherché par la Cour pénale internationale, ce dernier est présenté comme le chef du M23, dont il n’a jamais en réalité fait partie. Malgré son statut d’organisme censé défendre les droits de l’homme, HRW cite parmi les témoins à charge de Kigali des ex-combattants des… Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), la milice hutu rwandaise dirigée par des militaires ayant trempé dans le génocide de 1994 !
Néanmoins, l’alliance entre Kigali et Kinshasa est ébranlée. « Le gouvernement congolais dénonce la passivité, ou plus, des autorités rwandaises face à ces atteintes graves à la paix et à la sécurité de la RDC ourdies à partir de leur territoire », a déclaré le 9 juin le ministre congolais des Médias, Lambert Mende. Dans la presse gouvernementale, la xénophobie refait surface, avec des propos haineux contre les Tutsi. Une offensive diplomatique antirwandaise est également lancée auprès des Nations unies, de l’Union africaine et de la Communauté de développement d’Afrique australe.
Du côté du Village Urugwiro, on dénonce une cabale : incapables de résoudre les problèmes du Kivu, toujours ingouvernable, la RDC et la Monusco voudraient faire porter le chapeau aux autorités rwandaises. Celles-ci n’hésitent pas à accuser de diversion les dirigeants congolais et la mission onusienne, qui ont systématiquement sous-estimé les causes profondes de la crise, à savoir la présence des FDLR et un tribalisme outrancier de la part de certains acteurs des provinces orientales en mal de positionnement politique et soutenus par Kinshasa.
Or, des initiatives comme celle de HRW produisent des effets de déstabilisation des équilibres régionaux et locaux avec la multiplication exponentielle des conflits, des violences et des déplacements de populations. Elles ne vont pas dans le sens de la paix et de la justice, mais dans celui de la perpétuation d’un « chaos bien ordonné » et de l’affaiblissement des États de la sous-région à des fins qui demeurent inavouables.