Combien de temps resterons-nous sourd au drame qui se noue en en Afrique subsaharienne? L’histoire semble se répéter… Hier les talibans afghansdétruisaient les bouddhas de Bamiyan gravés dans la roche. Aujourd’hui les islamistes d’Ansar ed-Dine, qui occupent Tombouctou, ont entrepris la destruction des mausolées en terre de la mosquée de Djingareyber classées au patrimoine de l’humanité par l’Unesco.
Une ville qui a une mémoire, celle du temps où elle était la capitale d’un vaste royaume, flambeau de la domination africaine sur le monde des sciences et de la culture. Chaque recoin de Tombouctou nous rappelle ce passé glorieux, comme les manuscrits de Tombouctou dont 30.000 exemplaires ont déjà rejoint l’Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba fondé en 1973 par le gouvernement malien.
Une estimation de l’Unesco chiffre à 200.000 le nombre de livres cachés dans la région de Tombouctou. Une richesse archéologique qui nous rappelle que cette cité de sable, par l’étude des sciences et l’observation de son temps, avait été au centre du monde: au XVe siècle, Tombouctou comptait plus de 100.000 habitants, dont 25.000 étudiants. Nous comprenons mieux le privilège de Tombouctou d’avoir focalisé l’attention des observateurs depuis si longtemps.
Aujourd’hui, les mausolées sont détruits, les manuscrits menacés de disparition et le fameux festival qui a lieu dans le désert d’Essakane tous les mois de janvier risque d’être peu compatible avec les exigences des nouveaux maîtres de Tombouctou. La 12e édition l’année dernière avait vu, pendant 3 jours, un public venu des 5 continents assister aux spectacles au milieu des dunes. Des artistes maliens, nigériens, mauritaniens, soudanais et indiens s’étaient succédés sur scène. Une fête à laquelle Bono, le chanteur de U2 a participé malgré le contexte sécuritaire très tendu.
Un jumelage culturel avec la marocaine Taragalte
Devons-nous parler du festival du Désert au passé? Non! Cette perle du désert ne disparaitra pas, et ce grâce à l’initiative du festival Marocain de Taragalte, de musique du désert et du monde. En soutien, Taragalte a décidé d’accueillir en son sein, le festival du désert de Tombouctou du 9 au 11 novembre prochain. Manière de se souvenir que les deux villes étaient, au 16e siècle, les têtes de ligne de la route commerciale traversant le Sahara et que les caravanes participaient déjà aux échanges culturels entre ces deux villes. Ce jumelage culturel intervient alors que la quatrième édition du festival Taragalte a pour thème la femme du Désert… sans doute un signe du destin.
À travers concerts, expositions, ateliers, conférences, une grande partie du programme sera animé par des femmes locales, nationales et internationales. Une affiche qui sonne comme un appel à la planète entière à résister à toutes les formes de tyrannie touchant Tombouctou.
L’enjeu de cette invitation est de faire résonner les principes de tolérance et de diversité culturelle symbole du Maroc, et de refuser l’obscurantisme. L’esprit, l’âme des deux festivals poursuivent le même but: nous transporter à la découverte d’une culture ou se mêlent musique, chants populaires, jeux, poésie et autres traditions orales. C’est une voix de culture musulmane qui s’élève pour refuser la disparition du festival de désert de Tombouctou. Pour dire non à la destruction d’un haut lieu de l’histoire et de la dignité africaine. Ce rapprochement permet d’appréhender immédiatement et sans un long exposé les enjeux d’universalité que représente l’ensemble de la région sahélienne et de préserver la place particulière qu’occupe Tombouctou dans le cœur de quiconque est attaché aux cultures du Sud.