« Père de nos trois arts, l’architecture, la sculpture et la peinture », le dessin, tel que défini par Giorgio Vasari, artiste de la Renaissance, est omniprésent dans l’Égypte des pharaons. En témoignent quelque 200 pièces représentatives de cet art bidimensionnel : dessins d’ébauche, peintures murales, croquis d’agrément, dessins de commandes ou copies… Des œuvres à part entière qui apparaissent dès la Préhistoire, avec les premières silhouettes de chasseurs et d’animaux dessinées sur des rochers dans la vallée du Nil, et qui vont se diffuser en utilisant tous les supports possibles : monuments de pierre, papyrus, ostraca (tessons de poterie ou éclats de calcaire), faïence, bois, cuir… Avec le temps, les sujets se diversifient : représentations de la flore et des animaux, portraits, tableaux religieux, scènes de la vie quotidienne et de l’intimité… Il est même question d’érotisme sur l’étonnant papyrus de Turin. La colorisation des contours (ah, le fameux bleu d’Égypte !) et la dorure se mettent aussi en place.
Contrairement à une idée reçue, les « scribes des contours » ne sont pas de simples copistes, mais bien de véritables artistes. Certes, ils travaillent le plus souvent sur commande pour le Pharaon et ne signent pas leurs œuvres, mais leur originalité et leur talent sont bien réels. Comme tient à le souligner Guillemette Andreu-Lanoë, directrice du département des antiquités égyptiennes du musée du Louvre, « on sait parfaitement reconnaître une “main”. Il y a des styles très différents au Nouvel Empire (1550-1070) pour le modelé des visages, les yeux, les profils… ». À s’y pencher de plus près, on se rend compte que les artistes ont leurs petites habitudes : celui-ci ajoute un sillon entre la bouche et la joue, celui-là souligne le contour de l’œil. Quand ils s’expriment sur des ostraca, ils savent jouer de la forme et du relief de leur support. Enfin, les dessins ne se contentent pas de reproduire à l’identique, ils donnent un sens, expliquent et font parfois de l’humour avec, par exemple, des animaux chanteurs et joueurs d’instruments. La représentation de personnages ventrus et mal rasés est, elle aussi, bien éloignée des conventions ! Du grand art.