Trois passionnés – un journaliste écrivain, une égyptologue et un photographe – se sont longuement penchés sur les tombeaux de l’Égypte ancienne. Résultat ? De la belle ouvrage, richement illustrée par les photographies de Patrick Chapuis, qui nous emmène revisiter les mastabas. Entourant les pyramides (derniers abris des pharaons), ces tombeaux civils sont donc ceux de « simples mortels ». On distingue aisément les riches sépultures des hauts dignitaires – princes, vizirs ou perruquiers, mais aussi scribes, gouverneurs et prêtres –, « jaloux de leurs privilèges par-delà le trépas ». Mais on découvre avec autant d’émerveillement les tombes de défunts plus modestes : nobles, bourgeois, ouvriers, artisans et agriculteurs… Pas de cadavres ni de dépouilles mortelles dans les représentations, même si certaines scènes de funérailles évoquent avec force la douleur : des pleureuses crient et se contorsionnent, mimant la détresse des proches du défunt, qui suivent en silence.
Les peintures, les dessins, les sculptures ou les bas-reliefs qui ornent généreusement les sépultures sont le plus souvent de véritables hymnes à la vie. Les grandes étapes de l’existence (conception, enfance, jeunesse, mariage…) y sont célébrées avec force détails, tout comme la nature et le Nil, bien sûr. Et si les défilés de porteurs d’offrandes comptent parmi les scènes les plus représentées, de nombreuses autres activités humaines sont figurées, comme l’élevage, la pêche, la chasse ou la vannerie, l’orfèvrerie, la poterie…
Autant de chefs-d’œuvre – certains portraits sont saisissants d’humanité, et que dire du réalisme de l’hypogée d’Idou (Gizeh, VIe dynastie) – qui portent témoignage d’une culture et d’une histoire, celles de l’Égypte du iiie millénaire avant notre ère. Selon les dernières découvertes à Qurta, l’art pariétal, excusez du peu, y remonte à plus de 12 000 ans ! Leur inventaire est précieux. Il rappelle en outre la nécessité de protéger ce patrimoine unique et mortel, car les mastabas sont aujourd’hui menacés par les pillards et le tourisme outrancier.
Mastabas de l’Egypte ancienne
Philippe Flandrin, Patrick Chapuis, Aude Gros de Beler,
Editions Actes Sud, 240 pp, 39 euros.