Quel est tout ce remue-ménage autour de la Femme laser dernier chef-d’œuvre de Kadia, styliste sénégalaise de renommée internationale ? Pourquoi cette arrestation ? Dans quel but ce procès ? Dans ce roman prenant, les raisons obscures des pouvoirs publics sénégalais nous plongent dans une insatisfaction curieuse, tant l’intrigue, dans une belle mascarade, est orchestrée autour d’un suspense entre l’artiste pudique et naïve et ce monde-là, insensible et cruel.
Dès les premières pages, en effet, le mot suspense vit. Il balbutie, s’étire, danse, s’étiole et se pare de son plus bel atour : l’imprévisibilité. Qui est ce mystérieux coupable, caché entre le fil et la soie, les podiums et le mysticisme de l’Afrique noire, persécutant la talentueuse styliste et son innocent modèle, l’éblouissante Billo ? Quel est son mobile ?
L’enquête est menée de main de maître par ces deux femmes fortes, aidées dans leur recherche de la vérité par Gaspard, Charles et Mactar. Car, bien sûr, les forces de l’ordre, brutes impuissantes ne sauraient, au contraire de cette attachante bande d’hyperémotifs, apprécier la valeur de l’objet qui a été subtilisé.
Au fil des chapitres, le lecteur pénètre leur intimité. Profane, il découvre leur amour pour cet art, unique, primitif et beau. C’est là que réside le principal intérêt de l’ouvrage : l’amour de l’art africain, porté au sommet à travers la peinture, la danse, la création, la condition de la femme, les mythes et légendes, la religion. L’auteur, envoûté par son plaisir pour l’art « nègre » méconnu, nous propulse dans l’univers fantasmagorique des artistes, mécènes, ou vendeurs, très éloigné du cliché de l’industrie culturelle avide et pernicieuse.
Une touchante poésie imprègne les péripéties des protagonistes, et la conclusion du roman ne réside nullement dans la connaissance de la vérité. L’auteur du crime ne doit pas retenir notre attention. Le message est certes vieux et démodé, mais universel : Amour.
Les amours impossibles des uns et des autres en raison de la religion, le passé de chacun, le succès et les échecs. L’amour de l’art, qui unit même dans l’impossible, qui transfigure l’artiste et le sublime. L’amour de la terre natale, les lieux visités jalonnent le récit : de la grande métropole occidentale à Sinthiou Pathé, village ensorceleur au nord du Sénégal. La Femme parfum, pour voyager, découvrir, apprécier, et se laisser envoûter.
La Femme parfum, Abdoulaye Elimane Kane, coédition L’Harmattan/Harmattan Sénégal, 2011, 230 p., 21,50 euros.