Il y eut les cadavres de Timisoara. Cela se passait en décembre 1989, quelques jours avant Noël. Je travaillais, alors, dans un quotidien français. C’était un samedi. L’information tomba, brutale, choquante, accompagnée de photos de cadavres étendus dans un charnier découvert par les insurgés de Timisoara, portant de grossières cicatrices fraîchement recousues, en V sur le torse, toutes les mêmes. On parlait alors de 4 000 morts dans la ville.
Le rédacteur en chef me demanda de traiter le sujet en insistant sur la barbarie de Ceausescu, qui n’était certes pas un grand démocrate. Je refusai, insistant sur le fait que j’avais des doutes sur ces photos. En effet, les cadavres ressemblaient davantage, selon moi, à des sujets fraîchement sortis d’une morgue après autopsie ou quelque chose de ce type. Je fus menacée de sanctions, mais je résistai. Un autre journaliste fit le travail à ma place. Le massacre de Timisoara fit le tour de la planète. Pas un média national ou international n’échappa à ce grand moment de propagande. Qui ne diffusait pas l’information était immédiatement soupçonné de sympathie pour le dictateur roumain. L’émotion de l’opinion publique internationale fut portée à son paroxysme. Il ne fallut, cependant, pas longtemps pour que soit découverte la supercherie : les cadavres filmés et photographiés par les journalistes de la presse internationale présents avaient été déterrés du « cimetière des pauvres » ou sortis d’une morgue. Mais ça a marché.
Pendant ce temps, l’attaque de l’armée américaine au Panama faisait plus de 2000 morts qui n’ont pas eu droit à l’information.
Il y eut, un an plus tard, le 14 octobre 1990, l’affaire des couveuses du Koweït. Des prématurés koweitiens avaient été arrachés de leurs couveuses en Irak par de « sanguinaires hommes de main » de Saddam Hussein. Une jeune koweïtienne en larmes, « l’infirmière Nayirah », témoignait devant le Congrès américain peu avant le vote crucial de l’entrée en guerre contre l’Irak. Son témoignage est transmis en direct par tous les médias mainstrean. «… J’ai vu les soldats irakiens entrer dans l’hôpital avec leurs armes. Ils ont tiré sur les bébés des couveuses, ils ont pris les couveuses et ont laissé mourir les bébés sur le sol froid. J’étais horrifiée. Je ne pouvais rien faire et je pensais à mon neveu qui était né prématuré et aurait pu mourir ce jour-là lui aussi. Les Irakiens ont tout détruit au Koweït… », déclarait l’« infirmière » des sanglots dans la voix et le visage voilé. Conçue par l’agence américaine de communication Rendon Group chargée de superviser la communication de la CIA et du Pentagone, cette information, dans un contexte d’hystérie croissante contre le régime irakien, alors que l’on savait déjà que les États-Unis et leurs alliés voulaient la guerre quoi qu’il en fût, fit basculer une opinion publique internationale encore sceptique. Finalement, grâce à ce témoignage, le Congrès vota la guerre à quelques voix près. Trois sénateurs avoueront plus tard que c’est ce témoignage mensonger qui les avait poussés à voter pour la guerre. Or sans ces trois voix, Bush père n’aurait pas pu arracher au Congrès une résolution autorisant l’entrée en guerre.
Il s’avéra que ce témoignage était totalement fabriqué. L’« infirmière » s’appelait Al-Sabah, fille de l’ambassadeur du Koweït à Washington, Saud bin Nasir al-Sabah, le document, filmé dans un appartement de New York, et la campagne de propagande commandée à la société de relations publiques Hill & Knowlton, payée 10 millions de dollars par l’association Citizens for a Free Kuwait créée par le gouvernement koweïtien. La même société fut payée 14 millions de dollars par le gouvernement américain pour « vendre » la guerre du Golfe dans un sens favorable aux armées occidentales. Et ça a marché.
Les mêmes médias mensonges serviront pour justifier l’invasion de l’Irak en 2003, la seconde guerre occidentale contre l’Irak mais cette fois-ci sans la participation de la France. La grande manipulation porta, alors, sur la possession par Saddam Hussein, d’armes chimiques et biologiques et de destruction massive, et son intention de les utiliser, y compris (et avant tout) contre le peuple américain. Pourtant, tout le monde savait que l’Irak n’était plus une menace militaire, les sites d’armement qui n’avaient pas été déjà détruits, avaient été inspectés par des spécialistes de l’ONU qui n’avaient découvert aucune arme de destruction massive. Des millions de citoyens manifestaient, alors, dans le monde contre la guerre, dont un million de personnes à Londres. On se rappellera les média-mensonges diffusés par l’administration Bush sur l’achat d’uranium au Niger, sur les milliers de tubes d’aluminium soi-disant destinés à des centrifugeuses d’enrichissement de l’uranium, sur des stocks d’agents chimiques et biologiques et de leur transport sur le terrain. Et on se souviendra, surtout, du célèbre discours du général américain Colin Powell au Conseil de sécurité de l’ONU, le 5 février 2003, visant à convaincre ses membres de voter la guerre. Il présentait alors des « preuves » sous forme de photos satellites, d’enregistrements d’échanges téléphoniques, et surtout, il brandissait une fiole de substance militaire chimique irakienne. Dominique de Villepin, ministre français des Affaires étrangères, ne marcha pas dans la combine, et il fut le seul en Occident. Toutes ces preuves serévélèrentt être fausses, ce que reconnut Colin Powell dans un livre en 2013, en faisant son autocritique. Mais ça a marché.
Des mensonges, toujours des mensonges
Il y a, aujourd’hui, la plainte de la France contre la Syrie pour « crime contre l’humanité » et la campagne lancée par une certaine « Association pour les disparus et les prisonniers de conscience » sur la base du témoignage d’un certain « César », ancien photographe de la police militaire d’Al-Assad, chargé, avant la « Révolution » de photographier des scènes de crimes ou d’accidents dans lesquels étaient impliqués des militaires ou des membres des services de renseignement. 54 000 photos de 11 000 prisonniers « torturées » et « tuées » par le régime syrien, nous dit-on. Vrai ou faux ? Avant de pouvoir se prononcer, si tant est que l’on puisse le faire à ce stade de l’affaire, appliquons la règle du doute.
Cette affaire a occupé la Une de tous les médias à grand fracas ces jours-ci, dans un contexte de tensions extrêmes autour du conflit syrien débattu au Conseil de sécurité de l’ONU, alors que la France lançait les premières frappes aériennes sur la Syrie, sans l’accord du gouvernement syrien, et que les déclarations accusatrices du président français François Hollande, qui fait de la chute de Bachar Assad une véritable et aveuglante obsession, envahissaient les médias. En réalité, l’information sur les « horreurs d’Al-Assad » n’est pas nouvelle, mais a été « ressortie » volontairement et de façon bien orchestrée, à un moment où elle pouvait, une nouvelle fois, influer sur les politiques et sur les opinions publiques fatiguées par la confusion qui caractérise la stratégie des États-Unis et leurs alliés, tout comme sur une opinion publique effrayée par l’afflux massif et soudain des réfugiés dans les pays européens, et qui commence à prendre conscience de ce que lui coûtent les aventures guerrières de ses gouvernants. Pure coïncidence (?), l’ouverture de l’enquête préliminaire à la demande du Quai d’Orsay est intervenue alors que la justice française vient de juger recevable la plainte d’une famille d’un soldat syrien décapité par un djihadiste français.
Du réchauffé !
L’information a, en réalité, été rendue publique pour la première fois en octobre 2013, au cours d’une conférence de presse organisée par Amnesty International, à l’Institut du Monde Arabe (voir ci-dessous) peu avant la conférence de presse de Bachar al-Assad au cours de laquelle il annonça la tenue d’élections présidentielles en 2014 et sa candidature, et où il précisa sa position sur les négociations. Puis, en janvier 2014, les photos furent présentées, à nouveau, à une presse triée sur le volet, dont le Guardian de Londres et Le Monde, dans une chambre d’hôtel à Montreux (Suisse), en pleine conférence Genève 2 sur la paix en Syrie dont on sait comment le gouvernement français et l’Union européenne l’ont fait capoter. Puis elle revient dans l’actualité en mai 2014, au moment des élections en Syrie. Pour réapparaître avec force aujourd’hui, pendant les discussions qui se tiennent à l’ONU, dans un contexte de tensions internationales accrues. Il est intéressant de constater que toutes les informations publiées, hier comme aujourd’hui, reproduisent, mot pour mot, images pour images, celles de 2013, sans que depuis, aucun journaliste n’ait pris la peine de faire un minimum d’investigation. Aucun doute, seulement des certitudes : quand la machine est lancée, on ne l’arrête plus. Pourtant, les éléments ci-dessous montrent qu’il y a matière à douter.
Les photos
10 000 cadavres auraient été déposés dans les hôpitaux militaires de Mezzeh et Techrine et dans des hangars y attenant, entre 2011 et 2013. « César » a pris 54 000 photos, nous dit-on, qu’il copie clandestinement sur une clef USB. Sur les photos disponibles sur le Net (il y en a peu et on peut penser qu’il s’agit d’une sélection soigneuse), on peut voir des cadavres, dont certains semblent avoir reçu des éclats d’obus, d’autres présentent des hématomes, des yeux « crevés » et autres horreurs, certes. On peut voir des corps de militaires alignés sur les berges d’un canal, en uniforme. On peut voir des corps alignés dans un hangar. Certes. On voit des corps décharnés de personnes âgées, certes. On peut voir aussi des civils cherchant les leurs parmi des cadavres alignés dans une rue ou autre. Mais rien ne prouve, sur ces photos dont les sujets sont très différents les uns des autres, ce qu’elles sont destinées à prouver. Elles pourraient aussi bien correspondre à une compilation de photos de diverses sources, prises en divers lieux, à divers moments. Elles pourraient correspondre à celles de victimes des combats qui font rage dans des zones urbaines. Elles pourraient correspondre à des victimes des terroristes wahhabites qui mènent cette guerre caractérisée de « civile », à l’époque, alors que les mercenaires terroristes sont déjà là, nombreux, venus de Libye, de Tchétchénie, de Tunisie, du Maroc, d’Europe et d’ailleurs. En outre, selon les experts de la mission de l’ONU, en 2012 (voir ci-dessous), les groupes wahhabites armés tuaient, à l’époque, entre 20 et 30 soldats par jour et s’acharnaient, déjà, sur la population civile martyrisée. Le nombre des victimes civiles et militaires n’a cessé d’augmenter dans cette période, ainsi que les enlèvements et les assassinats de civils par ces groupes, les attaques contre les forces syriennes militaires et de sécurité, etc. En tout état de cause, ces photos ne prouvant rien, elles ne peuvent être utilisées dans le cadre d’une plainte pour « crime contre l’humanité » contre le régime syrien.
Les hôpitaux
– L’hôpital de Mezzeh est contigu à ce que les médias continuent d’appeler la « prison de Mezzeh » : la prison de Mezzeh a été fermée par Bachar al-Assad en septembre 2000, moins de trois mois après son accession à la présidence. Le 17 novembre, Bachar al-Assad amnistiait plus de 600 prisonniers politiques – dont certains sont aujourd’hui des Jihadistes – libérés à cette occasion. Le bâtiment a été transformé en centre d’études historiques.
– L’hôpital de Techrine a été visité, le 23 mai 2012, par une mission d’observateurs de l’ONU arrivés en avril. Les observateurs ont interviewé des soldats syriens pris en embuscades par les combattants de l’« Armée libre syrienne », créée, au départ par des officiers déserteurs de l’armée syrienne loyaliste, soutenus par les États-Unis et leurs alliés. Des milliers de vidéos sont diffusées sur le Net par des familles comptant des victimes des organisations terroristes soutenues par les Occidentaux et les pays du Golfe, Arabie saoudite et Qatar en premier lieu. (https://www.npr.org/2012/06/12/154858481/at-syrian-military ).
– En août 2013, des experts de l’ONU chargés d’enquêter sur l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien (ce qu’ils n’ont finalement pas prouvé) ont, également, visité l’hôpital de Mezzeh pour interviewer des soldats syriens contaminés par des armes chimiques (gaz sarin). À l’époque, Bachar al-Assad qui, suite aux accusations portées en premier lieu par Israël et la Turquie, avait lui-même demandé cette inspection à l’ONU qui l’avait longtemps refusée (demandons-nous pourquoi…), avait déclaré : « Les menaces de lancer une agression directe contre la Syrie renforceront ses principes et sa décision de défendre sa souveraineté comme le veut le peuple syrien, et la Syrie se défendra contre toute agression ». Adnan Mansour, alors ministre libanais des Affaires étrangères, avait averti qu’une action militaire internationale contre la Syrie « serait une sérieuse menace pour la sécurité et la stabilité de la région, particulièrement au Liban ». Sur certains sites, les inspecteurs de l’ONU sont escortés par des groupes rebelles…
Le « Rapport final de la mission d’enquête de l’ONU concernant les allégations d’emploi d’armes chimiques en Syrie » est clair : « Je n’ai pas à ma disposition les éléments d’informations nécessaires permettant d’identifier les responsables des attaques à l’arme chimique qui ont eu lieu en Syrie », déclarait, lors de la conférence de presse de la présentation du rapport, le chef de la Mission d’enquête, Äke Sellström. S’exprimant aux côtés de la Haut-Représentante pour les affaires de désarmement et Secrétaire générale adjointe de l’ONU, Angela Kane, Äke Sellström s’est dit « satisfait du travail accompli, notamment concernant le démantèlement du stock d’armes chimiques syrien ». Angela Kane confirmait que « c’était au départ le Gouvernement de la Syrie qui avait demandé la mise en place de la Mission ». https://www.un.org/press/fr/2013/Conf131213-ARMES_CHIMIQUES.doc
C’est à la Goutha, dans la banlieue de Damas qu’eut lieu la plus importante attaque chimique. C’est là que combattait l’Armée libre syrienne, soutenue par les Occidentaux, la Turquie et les monarchies du Golfe, créée par des anciens militaires de haut rang déserteurs de l’armée syrienne – dont le colonel Riyad al Asaad ou le général Selim Idriss qui deviendra le chef d’état-major du Conseil militaire suprême. Le 29 janvier 2013, l’aviation israélienne avait, également effectué un raid aérien contre le centre de recherches de Jamraya, au nord de Damas, un centre de recherches sur les non conventionnelles, détruit par six missiles.
Au cours de la même conférence de presse, Maurizio Barbeschi, représentant l’OMS, citait « des témoignages relatant la présence de cadavres dans une morgue syrienne à la suite de l’une de ces attaques à l’arme chimique ». Certaines photos de victimes ressemblent de façon troublante à celles de César. https://www.google.fr/search?q=morgue+cadavres+gaz+chimiques+syrie
Amnisties
– En mai 2011, soit trois mois après le déclenchement des manifestations en faveur de la démocratie, et un mois après avoir levé l’état d’urgence en vigueur depuis des décennies (https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/05/31/97001), Bachar al-Assad décrétait une amnistie générale incluant des Frères musulmans et tous les prisonniers politiques détenus pour des crimes commis avant le 31 mai 2011. La liste de ces prisonniers était présentée par la Ligue arabe à la demande de l’opposition syrienne.
– En mai 2014, au lendemain des élections, le président syrien annonçait une amnistie générale pour tous les crimes commis jusque-là et commuait les condamnations à mort en peines de prison à vie, réduisant le nombre d’années d’emprisonnement pour certaines infractions, et en annulait d’autres. La plus large amnistie depuis 2011 qui couvre, également, les crimes figurant dans la loi sur le terrorisme de juillet 2012, les combattants mercenaires étrangers s’ils se rendent dans les trois mois et les déserteurs de l’armée. (https://www.tdg.ch/monde/).
– Le 25 juillet 2015, une nouvelle amnistie concernait les déserteurs et objecteurs de conscience à condition de se rendre dans un délai d’un mois s’ils sont à l’intérieur du pays, deux mois, à l’extérieur. Elle ne concerne pas les déserteurs passés à l’ennemi ou qui « ont du sang sur les mains ».
Nombre de ces prisonniers libérés, activistes anti-Assad, Frères musulmans et autres islamistes, auraient donc échappé aux mains des tortionnaires du régime. Nombre d’entre eux ont immédiatement rejoint les rangs des armées rebelles barbares/
Les protagonistes
– « César » : Comme le disent les articles de presse et informations télévisuelles depuis 2013, on ne connaît « ni son nom, son âge ». C’est étonnant, puisque divers protagonistes l’ont rencontré. Il vivrait « quelque part en Europe » aujourd’hui. Il a été photographe au sein de la police militaire depuis 2011 après avoir été chargé, pendant de longues années, de photographier les scènes de crimes ou d’accidents dans lesquels étaient impliqués des militaires ou des membres des services de renseignement de l’armée. « Il doit photographier les corps des prisonniers de la répression du régime pour permettre aux autorités de délivrer aux familles un certificat de décès prétendant que leur proche est mort d’un « arrêt cardiaque » ou d’un « problème respiratoire » et montrer à la hiérarchie que le sale travail a bien été fait » peut-on lire dans tous les articles ou entendre sur toutes les ondes. Question de bon sens : Peut-on imaginer un régime « sanguinaire » assez stupide pour garder la trace matérielle de ses crimes, soit « quatre à cinq photos par victimes » ? https://www.foxnews.com/world/2013/08/30/
Dans le doute, ne peut-on pas penser que ces cadavres sont ceux de civils et militaires victimes des combats et des embuscades terroristes entre 2011 et 2013, des attaques au gaz sarin et au chlore ? En 2013, les témoignages de civils sur les horreurs perpétrées par les groupes wahhabites mercenaires sur la population et les soldats (décapitation, torture, viols et autres) étaient déjà nombreux. « Selon un rapport publié vendredi 11 octobre par Human Rights Watch (HRW), (2013) les insurgés syriens ont tué au moins 190 civils et en ont pris plus de 200 en otage lors d’une attaque en août dernier dans la province de Lattaquié, une zone où vivent des alaouites – communauté qui soutient le régime de Bachar Al-Assad. « Les constats effectués indiquent clairement que les meurtres, les prises d’otage et les autres exactions commises sont assimilables à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité« , résume le rapport de l’ONG, qui a profité de son premier voyage autorisé par le régime depuis le début du conflit pour recueillir des informations sur le terrain. Pour l’ONG, il s’agit des premières preuves de crimes contre l’humanité commis par les opposants au régime. Un grand nombre de ces civils tués au cours de cette attaque ont été exécutés par des insurgés, dont certains seraient liés au réseau Al-Qaida. » https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/10.
– Hassan Chalabi : c’est par un « ami proche », apprend-on, que César entre en contact avec le Mouvement national syrien, un groupe islamiste « modéré » membre de la Coalition nationale syrienne opposée à Bachar al-Assad (voir ci-dessous), la carte des Occidentaux. Hassan Chalabi sera l’un des principaux agents de l’exfiltration du photographe après avoir recueilli les photos. L’exfiltration est effectuée grâce à l’aide de l’Armée syrienne libre (voir ci-dessous). Hassan Chalabi est le président du Mouvement national syrien (voir ci-dessous).
– Chadi Joneib : président de l’Association pour les disparus et les prisonniers de conscience, il est présenté par le quotidien français Libération, le 13 décembre 2013, comme « un jeune opposant » (25 ans alors) au régime dont certains membres de sa famille et certains amis ont été assassinés dans son village d’Atmé, par les Jihadistes. (https://www.liberation.fr/monde/2013/12/13.
Il est réfugié en France après avoir organisé un camp de réfugiés à la frontière turque (avec quels moyens et quels appuis logistiques, on ne le saura pas). Il est resté un opposant convaincu au régime syrien et est aujourd’hui, médecin et président de l’Association pour les disparus et les prisonniers de conscience et membre du Conseil national des révolutionnaires de Deir Ezzor, nous dit-on encore. (voir ci-dessous).
– Imad Eddine Raschid : il est présenté comme un ancien vice-doyen de la Faculté des sciences religieuses de l’Université de Damas (Faculté de la Charia) et membre du mouvement national syrien. En réalité, le 11 décembre 2011, il annonçait, avec d’autres opposants syriens, depuis Le Caire, sa décision de former un « Courant national Syrien » (CNS) au sein du Conseil national syrien basé à Istanbul et dont il deviendra l’un des dirigeants. C’est un nouveau groupe d’inspiration religieuse qui « trouve sa source dans les objectifs authentiques de l’islam ». Il en est le président. Il dispose de solides réseaux au sein de l’élite religieuse syrienne. En 2007, il avait soutenu deux candidats indépendants aux élections législatives dont un avait été élu dans la circonscription de Damas-Campagne (https://blogs.mediapart.fr ), ce qui en fait un « modéré » exploitable aux yeux des Occidents qui recherchent désespérément des alliés syriens ; C’est un des ténors de la campagne d’accusation contre le régime dans l’affaire de l’utilisation d’armes chimiques, le 21 août 2013 dans la banlieue de Damas, alors que l’armée loyaliste défendait la capitale contre l’Armée syrienne libre formée par des officiers déserteurs (voir ci-dessous).
– Conseil national des révolutionnaires de Deir Ezzor https://fr.wikipedia.org: c’est une branche du Front islamique syrien de libération, rassemblement de groupes rebelles islamistes formé début septembre 2012, dissous en novembre 2013 pour intégrer le Front islamique, une organisation salafiste. La création du Front islamique a été financée par la Turquie, le Qatar et l’Arabie saoudite (Le Monde, 13 décembre 2013).Son objectif est le renversement de Bachar al-Assad, la création d’un État islamique et l’instauration de la Charia. Il est dirigé par le salafiste Zahran Allouche, chef, également de la brigade Jaysh al-Islam (voir ci-dessous) et chef militaire du Front islamique. Il est arrêté à Damas en 2010 avant d’être libéré puis amnistié en 2011. Il rejoint l’opposition syrienne peu après le déclenchement de la guerre civile et devient le chef de son organisation active militaire. L’Humanité : L’armée mène une vaste opération dans les faubourgs de la capitale L’Humanité : En Syrie, sept groupes armés constituent un Front islamique / Syria crisis: Saudi Arabia to spend millions to train new rebel force
– Jaysh al-Islam (L’Armée de l’Islam) est un groupe armé terroriste islamiste créé en 2011 qui rejoint, en 2012, le Front islamique de libération syrien. On évalue, alors, à plus de 30 000 le nombre de ses combattants entraînés par les Pakistanais, qui sévissent dans le gouvernorat de Damas. Son chef, Zaharan Allouche, est également chef militaire du Front islamique. Il a fait ses études à l’Université de la Charia (dont Imad Eddine Raschid fut le vice-doyen), à Damas. Jaysh al-Islam est financé par l’Arabie saoudite.( https://fr.wikipedia.org ).
Voilà donc la filiation de l’émouvant docteur Chadi Joneib et ses amis chargés de convaincre les opinions publiques des crimes contre l’humanité commis par le régime syrien. (voir aussi YouTube, intervention de Chadi Joneib, le 7 novembre 2011, à Paris où il vit, au cours d’un meeting de l’opposition syrienne https://www.google.fr/search?q=chadi+joneib+youtube&ie=utf-8&oe=utf-8&aq=t&rls=org.mozilla:fr:official&client=firefox-a&gfe_rd=cr&ei=5MEPVoCMC8XEaODxp7gG#q=chadi+joneid+youtube )
– Association pour les disparus et les prisonniers de conscience : dont est président Chadi Joneib. Sa création est parue au journal officiel 20140007 le 6 février 2014 et le seul site Web indiqué sur la déclaration la concernant, renvoie au site officiel de l’annuaire des associations. Elle a son siège au 38, rue du Docteur Foucault, à Nanterre, mais il est impossible d’en trouver le n° de téléphone. Une association fantomatique pour le moins, mais qui a des relais en Syrie, qui ressemble fort à ce que fut l’Observatoire syrien des Droits de l’Homme, à Londres, largement discrédité depuis.
– Coalition nationale syrienne : Créée le 11 novembre 2012 par le Conseil national syrien (voir ci-dessous) sous l’égide du Qatar, elle se dit représentante du « mouvement révolutionnaire » https://syrie.blog.lemonde.fr/2012/11/12/ et se donne pour mission de « prendre la tête, après sa reconnaissance par la communauté internationale et la constitution d’un gouvernement provisoire, de la marche des Syriens vers le renversement du régime en place et la création de la Syrie future ». Elle regroupe, alors, « différentes composantes de l’opposition » et « apporte son soutien au Commandement conjoint des Conseils militaires révolutionnaires » (Texte fondateur) Son premier objectif est de « renverser le régime, ses bases et ses symboles, démanteler les appareils sécuritaires et déférer en justice ceux qui ont été impliqués dans les crimes commis contre les Syriens ». Le premier président de la Coalition est l’Imam Mouaz al-Khatib, issu d’une longue lignée de prêcheurs à la Grande mosquée des Omeyyades de Damas où il assure le prêche de la grande prière du vendredi jusqu’en 1996, avant d’être interdit de tout prêche. Il continue d’enseigner, alors, dans des instituts théologiques islamiques privés et ouvre un site Web d’opposition au régime. Il travaille, également, pendant une période pour une compagnie pétrolière étatique en joint-venture avec des compagnies étrangères, dont la majore Shell. Il est réputé proche des Frères musulmans et des islamo-conservateurs syriens. Après un séjour au Qatar, en 2011, il crée l’association des grands oulémas de Damas opposés au régime. C’est un personnage ambigu se disant opposés aux organisations armées mercenaires djihadistes, prêt « à négocier avec des responsables du régime n’ayant pas de sang sur les mains », mais qui supplie les États-Unis d’enlever l’organisation djihadistes barbare al-Nousra (les « amis » de Laurent Fabius « qui font du bon boulot sur le terrain ») de leur liste des organisations terroristes. C’est un personnage contradictoire considéré comme « modéré, laïc et démocrate » par les Occidentaux auxquels il reproche, néanmoins, de ne pas donner les moyens (en armement) à la Coalition d’accomplir sa mission. Il démissionne, d’ailleurs, pour dénoncer l’« inaction » de ses alliés occidentaux et arabes.
En 2012, les États-Unis, la France et le Conseil de Coopération du Golfe ont immédiatement reconnu la Coalition, avec statut diplomatique. Dès sa création, le Qatar (qui arme et finance les organisations terroristes avec l’Arabie saoudite et autres alliés) fait don de 8 millions de dollars à la Coalition. Le 26 novembre 2012, le gouvernement français annonce qu’il lui alloue une « aide humanitaire d’urgence » s’élevant à 1,2 million d’euros. En décembre 2012, les Amis de la Syrie, soit une centaine de pays regroupés autour des États-Unis et de l’Europe, lui promettent 145 millions de dollars (108 millions d’euros), mais fin janvier 2013, seule une partie de cette somme lui est transférée (soit 400 000 dollars selon l’ambassadeur de la coalition en France, Monzer Makhous, fin février 2013). En parallèle, le Qatar et l’Arabie saoudite lui offrent respectivement 20 millions et 3 millions de dollars en février 2013.
Fin février 2013, grâce aux avancées de son alliée, l’Armée syrienne libre (voir ci-dessous), la Coalition contrôle, selon Monzer Makhous, presque tout le nord du pays, soit 20 % de la production d’électricité syrienne, la plus grande réserve de blé du pays (la Jezira), ainsi que deux grands gisements pétroliers et une vingtaine de petits, ce qui permet à l’organisation de produire 100 000 à 150 000 barils de brut par jour, soit 10 à 15 millions de dollars, achetés illégalement par certains pays occidentaux.
En avril 2013, le président des États-Unis débloque 10 millions de dollars pour la Coalition et le Conseil suprême militaire syrien qui chapeaute l’Armée syrienne libre, et entraîne deux unités combattantes qui seront rapidement annihilées par les armées mercenaires islamistes. Cette somme « vient s’ajouter aux 117 millions de dollars d’assistance non létale fournie à la Coalition de l’opposition syrienne », selon Caitlin Hayden, la porte-parole du Conseil national de sécurité, le cabinet de politique étrangère de la Maison Blanche (www.wikipédia).
– Armée syrienne libre : elle a été formée le 29 juillet 2011 par une dizaine d’officiers « modérés » déserteurs de l’armée syrienne « pour abattre le régime ». Elle est soutenue par les États-Unis et leurs alliés. Affaiblie par ses divisions internes et son combat contre certaines factions islamistes, elle a été accusée https://www.almasdarnews.com par plusieurs rapports de terrain, d’avoir combattu aux côtés d’organisations militaires terroristes comme Al-Nousra et ISIS (État islamique) contre l’armée loyaliste à la frontière syro-libanaise, à al Zabadani, notamment, et dans le Qalamoun et les montagnes occidentales du Liban et de la Syrie. C’est le bras armé de la Coalition et du Conseil national syrien.
– Cabinet Carter-Ruck : un cabinet londonien d’avocats, une grosse pointure spécialisée dans les gros dossiers de diffamation (Église de Scientologie, Boris Berezovsky, entre autres). Il est chargé par le Qatar qui finance l’enquête, d’examiner les documents de César et d’établir un rapport. Il conclut que « les données scientifiques appuient la conviction de crime contre l’humanité de la part du régime syrien ».
– David Crane : principalenquêteur du rapport, ce juriste américain ancien procureur en chef du Tribunal spécial pour le Sierra Leone qui condamna Charles Taylor. Il a travaillé pendant 30 ans pour le gouvernement fédéral américain, directeur du Bureau d’analyse du renseignement, conseiller de l’Agence de renseignement de la Défense et professeur de droit international à l’École militaire de la Magistrature. En 2011, il crée le Projet sur les responsabilités de la Syrie (SAP) qui travaille (déjà) au montage d’un dossier visant à la mise en place d’un Tribunal pénal pour la Syrie, projet qu’il présente le 29 octobre 2013 au Comité des Affaires étrangères du Congrès américain et dont s’inspire aujourd’hui, largement, le président français Hollande pour déposer sa plainte contre la Syrie pour crime contre l’humanité. Crane a rencontré César à trois reprises avec Geoffrey Nice et Desmond de Silva, co-auteur du rapport. « Ils ont conclu à sa sincérité ».
– Geoffrey Nice : Britannique, juge du Tribunal pénal international pour la Yougoslavie, qui a condamné le président yougoslave Slobodan Milosevic et est toujours actif au Tribunal pénal international (TPI), notamment dans les dossiers soudanais, kenyan et libyen (mise en accusation des présidents des deux premiers États). Le TPI est aujourd’hui fortement contesté par les pays africains pour sa partialité et son acharnement à ne s’intéresser qu’à l’Afrique.
– Desmond da Silva : Avocat britannique,conseiller de la Reine pour les affaires criminelles, en 1984. Nommé en 2002 par le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, procureur général auprès du Tribunal spécial pour le Sierra Leone. En 2003, il fut l’envoyé du Programme des Nations unis pour le développement (PNUD) en Yougoslavie ( pourquoi le PNUD ?…) pour convaincre le Premier ministre Vojislav Kostunica et son gouvernement de se rendre afin d’être jugés pour crimes de guerre. Il participa au procès de Slobodan Milosevic. Il a été marié de 1987 à 2010 avec la Princesse Katarina Karadjordjevice, de Yougoslavie, descendante directe du roi Alexander de Yougoslavie et de la britannique Reine Victoria. Ceci expliquant peut-être cela.
Le 15 avril 2013, au lendemain de la conférence de presse organisée par Amnesty International, la France organisait une réunion informelle des membres du Conseil de sécurité de l’ONU pour sensibiliser ses membres afin qu’ils demandent une saisine de la Cour pénale internationale. C’est un échec, « mais si la situation change, ce rapport sera une bonne base pour enquêter sur la torture, dit, alors, Nina Walch, responsable d’Amnesty international. Il permet aussi de sensibiliser l’opinion publique ».
C’est bien ce qui est en train de se passer, deux ans après le lancement de cette campagne par des acteurs syriens et occidentaux loin d’être au-dessus de tout soupçon. Cela marchera-t-il, cette fois encore ? Vérité ? Manipulation ? L’Histoire le dira, mais le devoir de doute s’impose une nouvelle fois.….