Sa voix est explosive, presque démesurée. Des pics ahurissants jusqu’à ses derniers retranchements, les phrasés vertigineux éblouissent l’assistance.
Bette Smith, nouvelle diva de la soul, est un talent pur dans un tempérament de feu. Un phénomène vocal formé à l’école de la vie et à la chorale de l’Eglise adventiste dirigée par son père.
A la disparition de ses parents et de son jeune frère, la chanteuse originaire de Brooklyn puise dans son expérience religieuse et dans l’héritage familial les énergies pour réagir au désespoir.
« Ces décès ont forgé mon caractère. C’était le socle sur lequel j’ai pu me reconstruire. Le gospel apporte la joie, car sa spiritualité est une force pour dépasser les situations tristes », racontait la vocaliste lors de notre rencontre dans les loges du Sunset, haut lieu parisien du jazz, où elle est passée en mars et en mai derniers. Une présence magnétique sur scène, véritable découverte pour le public et la critique, qui n’a pas hésité à la comparer aux icônes de la Great Black Music.
Si pour Jazz Radio, elle est « la fille cachée de Tina Turner et Etta James » -avec laquelle la jeune afro-américaine partage certainement le charisme et l’aisance dans les genres différents : soul, blues, rock…, sa charge émotionnelle rappelle également la personnalité d’une Koko Taylor, the Queen of the Blues.
Bette Smith est solaire, avec des lignes d’ombre qui traversent son chant. On y entend, dans les fissures, l’écho des blessures anciennes avec la jubilation de la vie qui prend le dessus.
Jetlagger (Big Legal Mess/Fat Possum/The Orchard), son album, a été enregistré dans le studio du producteur Jimbo Mathus à Water Valley, dans le Mississippi. Des reprises de classiques (Isaac Hayes, Staples Singers), avec des compositions personnelles et un titre écrit spécialement pour elle par le monstre sacré Ray Charles, le mentor séduit par la sensibilité de l’étoile.
Dans la vidéo de la pièce éponyme, comme dans I Found Love ou Shackle & Chain, son flow impétueux accompagne les images de l’amour. Son chant rayonne comme un hymne à la joie.
Véritable tempête vocale, Bette Smith s’envole sur les ailes d’une voix hors de l’ordinaire. Un timbre rugueux, des tonalités presque androgynes, une fougue nourrie de passion et de ferveur.
Une voix qui prie, exulte, crie et groove, et dont on ne se lasse jamais.
Luigi Elongui