La programmation du mandat de la Minurso met le Maroc en état de panique
L’ambassadeur du Maroc à New York, Omar Hilale, a vivement critiqué l’Algérie tout en présentant le Maroc comme un modèle de démocratie, faisant l’impasse sur la crise du Rif.
Itervenant à l’issue de l’adoption à l’unanimité par le Conseil de sécurité, le 28 avril 2017, d’une résolution prorogeant d’un an le mandat de la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso), le représentant du Maroc auprès des Nations unies, Omar Hilale, s’est attaqué à l’Algérie, qu’il cite pas moins de 33 fois en l’espace de 30 minutes dans son discours, en la présentant comme étant un obstacle à la résolution du problème du Sahara occidental, a relevé Amar Bellani, ambassadeur d’Algérie à Bruxelles, dans une tribune qu’il a rendu publique hier. Il a aussi remis sur la table les allégations de détournement par l’Algérie et le Front Polisario de l’aide humanitaire européenne destinée aux réfugiés sahraouis et des supposés obstacles dressés par l’Algérie sur la voie du recensement de ces derniers.
Sur la question lancinante du Sahara occidental, Omar Hilale, faisant une lecture biaisée de la résolution adoptée par le Conseil de sécurité, s’est félicité que les 15 membres de cet organe de l’ONU aient fait pression sur les pays voisins, particulièrement sur l’Algérie, pour «négocier avec le Maroc le règlement de ce différend régional», ce qui n’est nullement reflété dans le texte du conseil. En effet, la résolution 2351 adoptée le 28 avril 2017 ne fait qu’encourager les pays voisins, sans les nommer, à contribuer pour mettre fin à l’impasse actuelle et progresser dans la voie d’une solution qui pourvoit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, ce qu’ils ont déjà fait à travers leur participation, en qualité d’observateurs, au processus de Manhasset.
Omar Hilale a également estimé que la résolution du Conseil de sécurité consacrait la prééminence de l’option marocaine d’autonomie, qui est, selon lui, «la seule solution viable à ce différend régional». Toutefois, indique Amar Bellani, il a omis de mentionner que la proposition du Front Polisario pour une solution sur la base d’un référendum d’autodétermination reste sur la table et qu’elle figure parmi les options à examiner, ce qui ressort clairement dans le texte de la résolution et des déclarations après le vote des membres du Conseil de sécurité, notamment de la Suède, de l’Ethiopie, de l’Uruguay et de la Bolivie.
Revenant sur les déclarations du responsable marocain, Amar Bellani a indiqué que celui-ci fait feu de tout bois et ne rate aucune occasion de dire le mal qu’il pense de l’Algérie en développant un discours inversement proportionnel chantant les avancées du Maroc. En effet, indique-t-il, en réponse à une question de la correspondante de l’APS qui l’interrogeait sur la situation insurrectionnelle au Rif sur fond de mal-vivre et de répression policière, Omar Hilale a préféré faire diversion et présenter son pays comme un modèle de démocratie et de respect des droits de manifestation et d’expression. Pourtant, rappelle le diplomate algérien, les propos de Omar Hilale se situent complètement en porte-à faux avec les données du terrain et même, dans une large proportion, les constats établis par les organismes internationaux. Il cite, à titre d’exemple, l’entretien accordé par le président de la région d’Al-Hoceima, Ilyas El-Omari, à l’hebdomadaire Jeune Afrique, dans lequel il impute la colère des Rifains au chômage endémique qui touche la population et le peu d’intérêt qu’accorde le pouvoir central à la région qui est «abandonnée et plongée sciemment dans la pauvreté pour qu’elle devienne une énorme plantation de cannabis dont le commerce représente aujourd’hui 81% de l’économie de la région (23 milliards de dollars et 23% du PIB du Maroc)».
Plus grave encore, Ilyas Al-Omari a exprimé son dépit quant à la trajectoire que prend l’argent généré par le cannabis et qui, selon lui, n’est plus réinvesti dans la région, comme c’était le cas avant, mais emprunte désormais d’autres canaux et est utilisé soit pour enrichir l’élite au pouvoir, soit pour financer des OPA en Afrique via des banques marocaines servant de circuit de blanchiment d’argent.
De plus, ajoute encore Amar Bellani, ces faits sont soulignés dans le rapport 2016 de Frontex intitulé «Africa-Frontex Intelligence Community Joint Report», dans lequel cette agence européenne affirme que le trafic de drogue est l’activité la plus rentable pour les groupes de criminels activant au nord du Maroc, relevant que le trafic de haschich, en tant qu’activité «à faible risque et aux profits élevés», reste un domaine plus attractif pour ces groupes que le trafic de migrants.
Ce rapport confirme les conclusions d’un autre rapport publié par le Département d’Etat américain, selon lequel «la production totale de cannabis au Maroc en 2015-2016 est estimée à 700 tonnes métriques, ce qui, potentiellement, équivaut à 23% du PIB marocain».
Ces chiffres font du Maroc, conclut Amar Bellani, le premier producteur et exportateur mondial de cannabis, ce qui a fait que l’administration américaine chargée de la lutte contre la drogue (Drug Enforcement Administration/DEA) a ouvert en février dernier son premier bureau régional en Afrique, à Rabat. Pour rappel, le Royaume chérifien tente depuis au moins 2015, de chasser la Minurso. La prorogation de son mandat par les Nations unies le 28 avril dernier représente donc un échec diplomatique pour le Maroc.
L’Expression
https://www.lexpressiondz.com/actualite/265906-bellani-torpille-hilale.html
Amar Bellani, ambassadeur d’Algérie à Bruxelles