Selon Alexander Shulgin, le représentant russe permanent à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), la mission d’enquête sur l’attaque chimique au gaz sarin, le 4 avril dernier, à Khan Shaykhun (Idlib) n’a pas respecté les procédures de base.
Le diplomate russe ne mâche pas ses mots : le rapport confidentiel présenté lors d’une session extraordinaire du conseil exécutif de l’OIAC convoquée par les États Unis, le 30 juin, présente de nombreuses lacunes, martèle-t-il. Il a, pourtant, immédiatement été utilisé par Washington et ses alliés occidentaux. « Il est évident que leur objectif était de faire du bruit sur la culpabilité du gouvernement syrien et du président Assad dans la tragédie de l’utilisation d’armes chimiques dans la région de Khan Shaykhun », a-t-il déclaré à la chaîne de télévision Russian Today (RT).
La mission d’enquête n’avait pas de mandat pour attribuer la responsabilité de l’attaque qui a fait plus de 80 morts et de 500 blessés. Cela n’a pas empêché les États-Unis et leurs alliés d’interpréter les conclusions du rapport comme une « preuve à 100% de la culpabilité du gouvernement syrien ».
Selon Shulgin, le principal problème que pose ce rapport réside dans le fait que la mission d’enquête n’a visité ni Khan Shaykhun, lieu présumé de l’utilisation des armes chimiques, ni la base aérienne de Shayrat, d’où, selon les Américains, auraient décollé les avions qui ont mené l’attaque. Elle a reconnu, également, avoir été incapable de déterminer le type d’armement utilisé et le lieu de l’impact. Elle ne confirme pas le nombre exact de victimes.
En outre, la mission n’a pas procédé aux analyses médico-légales de base. « Nous avons souligné certaines lacunes dans le rapport. Les experts ont admis qu’ils n’avaient pas appliqué entièrement la chaîne de procédures de base établies par l’Organisation pour récolter des échantillons. En d’autres termes, nous ne savons pas exactement où les corps ont été récupérés, où les preuves ont été relevées. » La mission d’enquête appuie ses conclusions sur des « éléments de preuve » fournis par différentes ONG sur le terrain (on sait, aujourd’hui, que les photos transmises notamment par les très contestés « Casques blancs » étaient des montages) et sur des témoignages de victimes et de « spécialistes qui ont soigné les victimes dans des pays voisins ».
En second lieu, un « point très important », selon Alexander Shulgin, « l’équipe a été incapable d’établir ce qui s’est réellement passé à Khan Shaykhun, s’il y avait eu une explosion, quelle sorte d’explosion, aérienne ou terrestre ». Le représentant russe s’étonne, également, des récentes allégations américaines selon lesquelles le gouvernement syrien préparerait une nouvelle attaque chimique, fondées sur quelque « information secrète ». Une accusation « logique », estime-t-il, venant après la proposition russe et iranienne d’envoyer une équipe internationale d’experts à la base aérienne de Shayrat, proposition rejetée par Washington.
De son côté, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov a, également, critiqué le rapport de l’OIAC, ajoutant qu’il ne déterminait pas la provenance du gaz sarin utilisé dans l’attaque. Malgré toutes ces lacunes, le rapport conclut que l’OIAC peut dire « à juste titre que quelque chose comme le sarin a été utilisé à Khan Sheikhoun, mais la question de la responsabilité demeure ».
Dans la nuit du 6 au 7 avril, 59 missiles Tomahawk étaient tirés depuis deux navires américains, contre la base syrienne de Shayrat, en représailles à la présumée attaque chimique syrienne du 4 avril, causant quelques dommages à l’aéroport et détruisant le dépôt de fuel et le bâtiment de la défense aérienne. Apparemment informés, les Syriens et les Russes avaient, au préalable, déménagé leurs avions de chasse. « J’ai ordonné cette attaque, déclarait Donald Trump aux journalistes depuis sa résidence secondaire de Mar a Lago. « La Syrie ignore le Conseil de sécurité de l’ONU, j’exhorte tous les pays à nous rejoindre pour mettre fin au fléau du terrorisme », ajoutait-il, ignorant apparemment que l’armée américaine et ses alliés occidentaux interviennent en Syrie sans aucun mandat, notamment de l’ONU.
Avant même la présentation officielle du rapport de l’OIAC, le Département d’État américain publiait un communiqué selon lequel « l’utilisation des armes chimiques par le régime d’Assad est ignoble et des plus dangereux ». Plus encore, le 27 juin, sans même attendre les conclusions d’une commission conjointe ONU-OIAC qui doit être mise en place, suite au rapport, pour déterminer le responsable de l’attaque chimique, Washington accusait Damas d’en préparer de nouvelles, une accusation jugée « inadmissible » par le Kremlin et interprétée comme « très probablement un signe avant-coureur » d’un intervention militaire américaine. « Sans présenter aucune preuve, Washington a malheureusement de nouveau accusé le président syrien Bachar al-Assad, de préparer une nouvelle attaque chimique. (…) La situation ressemble à une énorme provocation militaire et médiatique qui vise non seulement les autorités syriennes, mais aussi la Russie », soulignait la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova, le 29 juin.
Source : RT, AFP