On se souvient tous du général américain Colin Powell (alors secrétaire d’État de George Bush) brandissant un tube de poison chimique devant le Conseil de sécurité des Nations unies après avoir projeté un diaporama censé démontrer les innombrables connexions « prouvées » entre Oussama Ben Laden et Saddam Hussein. Même si ce numéro n’avait guère convaincu les États membres de l’exécutif de l’Onu, on connaît la suite : une « guerre humanitaire » responsable de 300 000 victimes, le démembrement durable de l’un des États nations du Proche-Orient et une délocalisation rhizomatique du terrorisme islamiste… Brillant !
On a aussi un peu vite oublié l’enchaînement des mensonges d’État à répétition, complaisamment diffusés par les grands organes de presse américains et occidentaux pour justifier un tel désastre. Alors premier ministre britannique, le pathétique Tony Blair affirmait que les armes de destruction massive irakiennes pouvaient menacer, non seulement les pays de la région, mais aussi ceux de la vieille Europe en moins de… 45 minutes.
Début décembre 2012, l’administration Obama a commencé à diffuser dans les médias américains des renseignements faisant état de signes d’une militarisation de l’arsenal chimique syrien, laissant entendre qu’un acte apocalyptique du pouvoir syrien n’était pas à exclure au moment de sa chute jugée imminente. Cet air de déjà-vu passe un peu vite à la trappe les unités de l’armée gouvernementale restées fidèles à un régime toujours debout, et quelques réalités internationales, en l’occurrence le support logistique de l’Iran et de la Russie ainsi que le soutien diplomatique de la Chine, du Brésil et d’autres pays émergents.
Mais surtout, ce fantasme chimique se fonde sur une invraisemblance technique grossière. Pour être converties en armes légères susceptibles d’être engagées dans des confrontations de proximité en milieu urbain, des ogives chimiques destinées à armer des missiles de moyenne portée requièrent une chaîne de transformation technologique gérée par des experts qui devront, en bout de course, assister les utilisateurs de ces nouvelles armes allégées. À ce jour, les experts militaires occidentaux savent que l’armée syrienne ne dispose ni de l’une ni des autres et que ses priorités concernent d’autres urgences.
En fait, cette nouvelle pièce ubuesque lancée par une grande agence de communication vise notamment trois objectifs : faire partager aux autres pays occidentaux les préoccupations de Tel-Aviv craignant que les ogives chimiques syriennes ne tombent aux mains du Hezbollah libanais, qui dispose effectivement de porteurs pouvant armer de telles charges ; anticiper le déploiement des missiles Patriot allemands en Turquie comme l’avant-garde d’une action militaire extérieure de l’Otan d’ores et déjà envisagée par son secrétaire général Anders Fogh Rasmussen, autre « héros » de la deuxième guerre d’Irak ; enfin, justifier le déploiement au sol de forces spéciales occidentales et turques sur territoire syrien afin d’anticiper un recours à ce type d’arme de destruction massive.
Aujourd’hui, plusieurs centaines de « conseilleurs » américains, britanniques, français et turcs sont effectivement engagés sur le terrain dans les banlieues d’Alep et de Damas. Leur mission est double : la conduite d’opérations grâce à des systèmes de communication efficaces, la coordination tactique et la délimitation des objectifs, et à l’adaptation des systèmes d’armement comportant désormais des missiles sol/air acquis par le Qatar grâce aux bons offices des mafias albanaises. Si, d’aventure, l’un de ces « conseillers » venait à tomber, un jour, aux mains de l’armée syrienne, ses commanditaires occidentaux pourraient toujours invoquer les nécessités d’anticipation de la terrible menace chimique.
Plusieurs chancelleries européennes estiment que la « source » des récentes informations relayées par Washington sur des cas d’assemblage de précurseurs chimiques est israélienne. Dans le même ordre d’idées, on estime entre Tel-Aviv, Washington et Londres que l’accélération d’une fin du régime syrien actuel rendrait l’environnement stratégique plus favorable pour le traitement du dossier nucléaire iranien.
On tire ici la queue du monstre de Téhéran devenu désormais le véritable enjeu de la guerre civile syrienne. En effet, personne ne peut sérieusement expliquer l’activisme financier et diplomatique des monarchies pétrolières wahhabites par un irrépressible désir de voir la démocratie s’installer à Damas…