Joao Lorenço, élu le 23 aout avec 61% des voix, a été investi le 26 septembre après l’examen des recours présentés par les partis de l’opposition, tous rejetés par le Tribunal constitutionnel. Le troisième président de l’Angola depuis l’indépendance en 1975, entame son mandat dans une conjoncture économique toujours difficile et face à l’hostilité de l’opposition dont les leaders ont boycotté la cérémonie d’investiture.
Au bout d’une longue cérémonie minutieusement réglée, qui s’est déroulée sur la place du mausolée Agostinho Neto en présence d’une quinzaine de chefs d’Etat en majorité africains, le président Joao Lourenço a prononcé un discours programmatique de près d’une heure, marqué par sa volonté d’imposer une rigueur nouvelle dans la gestion de la chose publique, et un recentrage des priorités sur le secteur social.
Sur fond de crise économique, Lourenço a insisté sur l’adoption de règles strictes de change – le pays manque cruellement de devises – et de politique fiscale – déjà amorcée dernièrement avec le renforcement sensible de l’agence de collecte des impôts.
Le président angolais a promis la refondation de la fonction publique, afin de combattre la bureaucratie – voire la corruption – qui freine la promotion des activités économiques, et assurer sa modernisation et son efficacité. Si ce premier discours réitère pour l’essentiel les diverses propositions avancées pendant la campagne électorale, et qui sont pour la plupart contenues dans le manifeste du MPLA, Lourenço a réussi à leur donner force et cohérence. Outre les questions rebattues depuis quelques années déjà, telles la diversification économique afin de réduire la dépendance au pétrole – grâce à une impulsion nouvelle donnée au secteur agricole et à la création de pôles industriels – et la diminution drastique des importations, Lourenço a confirmé la poursuite de l’ambitieux programme d’électrification et de distribution d’eau dans tout le pays. Il a, par ailleurs, annoncé sa nouvelle politique pour le crédit : transparence et célérité, encouragements à la création de PME/PMI et octroi de facilités pour les jeunes. Il a promis la décentralisation administrative et financière que les premières élections municipales (prévues au cours de son mandat) pourront mettre en place, afin notamment d’atténuer les criantes asymétries régionales.
Le nouveau président angolais a également abordé des sujets devenus sensibles ces dernières années. Ainsi a-t-il insisté sur l’indispensable contribution de toutes les composantes de la société civile à la réflexion sur les politiques économiques et sociales, afin de nourrir « le débat d’idées », au delà des clivages politiques, « dans l’intérêt des citoyens et de la nation ». Une ouverture que devraient apprécier les leaders de l’opposition qui s’apprêtent à prendre place au parlement. Lourenço a encore souhaité, une fois n’est pas coutume, «de meilleures relations avec les syndicats », et plus généralement la nécessité de « resserrer les liens du contrat social », un concept quelque peu nouveau en Angola.
La corruption, maintes fois évoquée par Lourenço pendant sa campagne, mais également par son prédécesseur, José Eduardo dos Santos, sans qu’on saisisse par quelles mesures concrètes on entendait la combattre, a été présentée par Lourenço comme un fléau menaçant les fondations mêmes de la société. La définition la plus saisissante, prononcée dans le cadre du volet sur la réforme de la justice, a sans doute été : « il n’y aura pas homme assez riche pour échapper à la justice, ni homme assez pauvre pour ne pas être défendu par elle… »
Alors que des media angolais insistaient sur la difficulté de mener des réformes ou simplement gérer l’État au moment où les coffres du Trésor sont fort dégarnis, de nouvelles révélations sont venues troubler encore davantage l’opinion sur l’état des lieux financier du pays. Selon l’hebdomadaire Expresso, au cours de cette année quelque 10 millions de dollars en numéraire se seraient « évaporés » des réserves internationales gardées par la banque centrale, sans que l’on sache exactement à quoi ils ont servi. Si cette affirmation est encore sujette à caution, il y en une autre plus concrète et aussi troublante, révélée par la revue angolaise Expansion : au cours des quatre derniers mois avant les élections, le Journal de la république a enregistré plusieurs attributions de marchés – sans appel d’offre – pour des travaux publics et fournitures de biens et services pour un total de 4,428 milliards de dollars, soit 40 % du budget national !
Héritant d’une constitution qui lui confère beaucoup de pouvoir, le président Lourenço pourra sans doute revisiter ses engagements et juger de leur opportunité dans les circonstances économiques actuelles. Beaucoup d’observateurs angolais pensent qu’il serait utile de reprendre les négociations avec le FMI – qui s’apprêtait l’an dernier à accorder un prêt de 4,5 milliards de dollars, avant que le gouvernement angolais ne décide, soudain, d’y renoncer – et ce, afin que soit entrepris un audit en bonne et due forme de l’état des finances et des contrats passés sans un minimum de transparence.
Les premières mesures du nouveau gouvernement, dont la formation est imminente, fourniront de précieux indices sur les intentions à court terme du troisième président angolais.