Le premier président de l’Algérie indépendante (1962-1965), Ahmed Ben Bella, est décédé mercredi à Alger à son domicile familial à Alger à l’âge de 96 ans, à quelques mois du début des célébrations du 50e anniversaire de l’indépendance. Ahmed Ben Bella, était un militant nationaliste infatigable, un grand dirigeant de la Révolution algérienne et l’un des leaders du mouvement tiers-mondiste et anti-impérialiste.
Membre fondateur de l’Organisation de l’union africaine (OUA), Ben Bella présidait, depuis 2007, le Groupe des sages de l’Union africaine (UA), un organe pour prévenir et intervenir dans les crises qui secouent le continent. Il fut un militant nationaliste infatigable qui a gravi tous les échelons de responsabilité dans le mouvement national et a joué un rôle de premier rang dans le combat libérateur du peuple algérien. Il a soutenu la politique de réconciliation nationale mise en œuvre par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika.
Ses funérailles auront lieu ce 13 avril au Carré des martyrs au cimetière d’El Alia à Alger après la prière du Dohr, a-t-on appris auprès de la présidence de la République. Par ailleurs, le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, a décrété un deuil national de huit jours à compter d’hier sur l’ensemble du territoire national, a-t-on précisé de même source. Afin de permettre aux membres des corps constitués et à la population de se recueillir à la mémoire du regretté défunt, sa dépouille sera exposée au Palais du Peuple (Alger) aujourd’hui, à partir de midi.
Malade depuis plusieurs mois, celui qui avait présidé aux destinées de l’Algérie durant les trois premières années de son indépendance (1962-1965), avait été admis, à deux reprises, il y a plus d’un mois, à l’hôpital militaire d’Aïn Naadja, suite à un malaise. Ses proches avaient néanmoins affirmé que son état s’était amélioré après sa sortie de l’hôpital. Profondément affecté, selon son biographe, Mohammed Benelhadj, par la mort de son épouse Zohra en avril 2008, il a cependant poursuivi ses activités. Ses apparitions publiques, devenues de plus en plus rares, étaient guettées par les journalistes dans l’espoir de lui arracher une confidence ou une déclaration tant ils savaient que cet homme était à lui seul une bibliothèque.
« Toutes les fois qu’un moudjahid disparaît, indépendamment de sa position dans la pyramide de la Révolution, nous enterrons avec lui une partie de l’histoire, et une information précieuse s’en va si elle ne venait pas à être enregistrée et répertoriée », avait affirmé le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, dans son message adressé au SG de l’ONM à la veille de la tenue du 11e congrès de l’organisation. Des mots qui prennent toute leur signification après la disparition du premier président de l’Algérie post-indépendance. Et pour cause ! C’est une page de son histoire qui s’en trouve tournée.
Triste ironie du sort, c’est à la veille de la célébration du cinquantenaire de son indépendance que l’Algérie voit disparaître son premier président. Mais l’histoire retiendra à jamais le nom de Ahmed Ben Bella, un moudjahid et un homme politique né le 25 décembre 1916 à Maghnia, dans la wilaya de Tlemcen où il fit ses études secondaires. Comme tous ses concitoyens, il a été profondément marqué par les massacres du 8 mai 1945. Son parcours militant est digne des plus grands hommes ayant contribué au recouvrement de la souveraineté nationale.
Membre du PPA – MTLD de Messali Hadj, il est ensuite élu conseiller municipal de sa ville en 1947. Responsable de l’Organisation Spéciale (OS) en compagnie de Hocine Aït Ahmed et de Rabah Bitat, il participe au casse de la poste d’Oran de 1949. En mai 1950, il est arrêté à Alger, jugé coupable et condamné, deux ans plus tard, à sept ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’État. Il s’évade en 1952 en compagnie d’Ali Mahsas. En 1953, il rejoint Aït Ahmed et Mohamed Khider au Caire pour se voir chargé de la mission d’acheminer des armes et munitions en Algérie, suite au déclenchement de la guerre de libération nationale, le 1er novembre 1954. Il est l’un des 9 chefs historiques du Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA).
Membre de la délégation extérieure du Front de libération nationale (FLN), Ben Bella fut arrêté en 1956 par les services de sécurité français, suite à l’interception de l’avion « Air Atlas », de retour du Maroc, en compagnie de Mohamed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Khider et Mostefa Lacheraf. Il fut interné à l’Ile d’Aix, au château de Truquant et à Aulnoy jusqu’au 18 mars 1962, date de la signature des Accords d’Evian.
Membre du Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA) de 1956 à 1962, Ahmed Ben Bella a occupé successivement le poste de vice-président du conseil (en détention) le 19 septembre 1958, le 18 janvier 1960 et enfin le 27 août 1961 (toujours en détention). Libéré en 1962, il participa au congrès de Tripoli où un différend l’opposa au Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).
Le 27 septembre 1962, il devint président du conseil, chef du gouvernement. Il fut élu, le 15 septembre 1963, président de la République, président du conseil. Destitué le 19 juin 1965, Ahmed Ben Bella resta en résidence surveillée jusqu’en juillet 1979. Il fut assigné, par la suite, à résidence à M’Sila (Est d’Alger) avant d’être libéré en octobre 1980. Il fonda ensuite, en France, le Mouvement pour la démocratie en Algérie (MDA). Après son exil en Europe, il revint en Algérie le 29 septembre 1990 à la faveur du multipartisme instauré dans le sillage de la Constitution de 1989.
Homme d’une grande expérience politique, il présidait depuis 2007, le Groupe des sages de l’Union africaine (UA) chargé de la prévention et de la gestion des conflits en Afrique. À la tête de ce groupe, l’ancien président n’a eu de cesse à appeler pour faire de la restauration de la paix et la réconciliation un objectif sur le continent africain. « La restauration de la paix, la stabilité et la réconciliation sur tout le continent demeurent un objectif et un impératif que nous devons favoriser en aidant à la création de conditions favorables grâce au dialogue, à la concertation et à l’expression de l’intelligence politique de nos dirigeants et à la maturité de nos peuples », avait-il déclaré lors d’une réunion tenue à Alger en 2010. Gageons que sa philosophie et sa conception serviront de ligne conductrice à ceux qui ont la lourde responsabilité de poursuivre sa mission et de contribuer à apaiser un continent en ébullition.