Rien ne va plus pour le général rebelle Bosco Ntaganda, alias « Terminator » recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour son implication présumée dans des crimes contre l’humanité commis en Ituri en 2002 et en 2003.
Suite au verdict de culpabilité prononcé par la CPI en mars 2012 contre son complice Thomas Lubanga, notamment jugé responsable du recrutement d’enfants dans sa milice, le général, redoutant sa propre arrestation, avait ordonné aux combattants de sa propre milice, le Conseil national pour la défense des peuples (CNDP) de quitter les rangs de l’armée régulière congolaise (les Forces armées de la République démocratique du Congo : FARDC) de le rejoindre dans son fief du Masisi début avril. Peu après, il avait tenté d’intimider les habitants de Goma en faisant circulant un cortège de jeeps bondées de combattants armés de mitraillettes et de lance-roquettes.
Mais le pari a été perdu. D’une part, le Président Joseph Kabila, sans encore céder à la CPI, a laissé entendre que si Ntaganda continuait à se comporter de la sorte, le Congo le jugerait lui-même. Pour Ntaganda, c’est le commencement de la fin, un lâchage. Car jusqu’alors, bien que Kabila ait lui-même proposé à la CPI de le juger en 2004, le chef de l’État congolais avait changé son fusil d’épaule depuis l’accord de paix du 23 mars 2009, en nommant l’ennemi d’hier Ntaganda commandant en second de la 8ème Région militaire (Nord-Kivu) et en donnant son feu vert pour l’intégration des troupes du CNDP dans l’armée. Ainsi se trouvait récompensée la rébellion de Ntaganda un peu plus tôt au sein du CNDP contre son chef, Laurent Nkunda, actuellement en résidence surveillée au Rwanda, avec l’aval de Kigali et de Kinshasa.
Mais il y a quelques jours, l’arroseur a été lui-même arrosé. En fait, une partie seulement des quelque 4 000 à 6 000 anciens combattants du CNDP ayant intégré les FARDC ont fait défection. Et l’une des raisons de ce manque d’enthousiasme est qu’une levée de boucliers vient de se produire au sein du CNDP. Un document daté du 6 mai, signé du bras de droit de Ntaganda, le colonel Makenga Sultani, indique que le « haut commandement militaire » (du CNDP) « a attribué à l’actuelle direction de l’organisation (entendre Ntaganda) la totale responsabilité de l’échec » de l’intégration du CNDP dans les FARDC. En conséquence, le texte « ordonne à tous les officiers supérieurs, officiers subalternes, sous-officiers et caporaux de ne répondre qu’au seul commandement du colonel Makenga Sultani ». Selon certaines informations parvenues à Afrique Asie, les hommes du colonel « rebelle » ont empêché certains de leurs camarades de rejoindre Bosco Ntaganda dans son fief. Et l’un des scénarios escomptés est que Kabila pourrait passer l’éponge en donnant satisfaction aux revendications somme toute « syndicales » des mutins qui souhaitaient obtenir des assurances quant à l’acquisition de grades dans l’armée. Le Président actuel y a d’autant plus intérêt que les anciens du CNDP, malgré leurs gestes d’indiscipline, comptent parmi les soldats les plus aguerris de la très faible armée congolaise, qu’ils ont battu à plate-couture en 2007 et en 2008.
En attendant, Bosco se comporte comme un dirigeant en cavale. Le 10 mai, il y a encore eu des échanges de tirs d’armes lourdes entre l’armée et le dernier carré de ses partisans à Runyonyi dans le Parc des Virungas près de la frontière avec le Rwanda et l’Ouganda. A supposer qu’il finisse par se réfugier au Rwanda, il risque fort de partager le sort de son ancien chef. Pour Paul Kagame, le Président rwandais comme pour Joseph Kabila, Ntaganda a fini de servir…
Par certains côtés, Joseph Kabila peut se réjouir de voir un tel rebelle hors circuit mais par d’autres, la situation n’est pas riante. Car pendant que les FARDC s’expliquent avec les ex-CNDP restés fidèles à Bosco Ntaganda, un peu partout, les différents groupes Maï Maï, les islamistes de l’Alliance des Forces pour la Défense ougandaise et les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda ont relevé la tête ces dernières semaines.